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SPINOZA

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LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 269<br />

ne pouvons croire M. Gouhier, lorsqu'il nous peint « un vieillard<br />

stupéfait devant lequel on parle très sérieusement et avec res<br />

pect d'idées qu'il n'a jamais prises au sérieux (1) ». En fait,<br />

Malebranche a souffert toute sa vie, dans sa conscience de chré<br />

tien et de prêtre, de l'existence même du spinozisme. Sans Spi<br />

noza, effroyable repoussoir de sa propre doctrine, il aurait coulé<br />

l'heureuse existence d'un Gassendi; et ses controverses, inévi<br />

tables en un siècle chicanier, n'auraient été que le piment de<br />

sa calme vie oratorienne. Avec Spinoza, c'est le drame à sa<br />

porte, c'est une collusion sinistre révélée, c'est l'inquiétude dans<br />

sa pensée même. D'où cette haine lorsqu'il parle de l'impie de<br />

La Haye : athée, misérable, extravagant, tels sont les termes<br />

que se permet un homme pacifique et courtois. Lorsque la<br />

réfutation de Lamy paraît, il l'exécute d'un mot : « Je ne sais<br />

si ce fou et cet impie méritait une réponse (2). » Lorsque Dor-<br />

tous de Mairan le met en demeure de découvrir le paralogisme<br />

qui romprait la chaîne des démonstrations de Spinoza, il reprend<br />

avec lassitude les arguments d'autrefois, en chrétien désabusé<br />

des discussions et qui veut mourir en paix. Qu'importent les<br />

bonnes raisons si les conséquences sont mauvaises : c; Il suffit<br />

de reconnaître qu'il suit de son principe une infinité de contra<br />

dictions et de sentiments impies pour se défier de ses préten<br />

dues démonstrations, quand même elles nous paraîtraient convain<br />

cantes (3). » Nous serions tentés de lui répondre avec Dortous<br />

de Mairan : « Il me semble que l'horreur et tous les autres mou<br />

vements de cette nature ne partent que d'un préjugé bon ou<br />

mauvais,<br />

et ne renferment que des notions bien confuses qui<br />

ne sauraient entrer en parallèle avec l'évidence d'une démons<br />

tration (4). »<br />

Ainsi la réfutation de Malebranche nous laisse comme Dor<br />

tous de Mairan, sur notre soif. Il était le seul, avec Fénelon<br />

peut-être au xvne<br />

siècle, qui pouvait et devait apprécier avec<br />

sympathie l'œuvre monumentale de l'Éthique. Ses habitudes<br />

intellectuelles, son obédience cartésienne devaient l'y pousser.<br />

Or, il s'est enfermé dans son monde. Il n'a pas fait le moindre<br />

(1) Op. cit., p. 374.<br />

(2) Correspondance inédite (édit. Blampignon, op. cit., p. 6, lettre du<br />

8 janvier 1698).<br />

(3) Lettre du 29 septembre 1713 (in Cousin, op. cit., p. 265 sq.).<br />

(4) Ibid., lettre du 19 novembre 1713, p. 276.

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