28.06.2013 Views

SPINOZA

SPINOZA

SPINOZA

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

242 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

En quarante ans, il se heurta à tous les philosophes et théolo<br />

giens de son temps : Rancé, Arnauld, Nicole, Duguet, Fonte<br />

nelle; et même son maître Malebranche devait éprouver la<br />

vigueur de ses coups (1). Mais aucune mélancolie chez ce moine<br />

militaire; rien de cette hauteur chagrine qui écarte d'Arnauld.<br />

Un de ses ennemis, le Père André, le décrit ainsi (2):« Il avait<br />

un peu de ce qu'on appelle précieux, un peu vain, présomptueux,<br />

aimant à briller, imaginatif, délicat et sensible,<br />

assez philosophe<br />

et qui eût pu même passer pour un bel esprit, s'il eût eu ce<br />

goût naturel et sensé qui doit être la première règle d'un écri<br />

vain... Il déplaît en un mot parce qu'il veut plaire (3). » Le<br />

Père André avait tort : François Lamy plut beaucoup et malgré<br />

son style à la Balzac, sut attirer la confiance d'un Bossuet et<br />

l'amitié d'un Fénelon.<br />

Célèbre jusque-là pour son enseignement théologique, François<br />

vint résider peu de temps avant 1685 à l'abbaye Saint-<br />

Lamy<br />

Faron de Meaux,<br />

qu'il devait quitter en 1687 pour devenir<br />

prieur de Rebais. C'est alors qu'entre Bossuet et le Bénédictin<br />

fut mis sur pied le grand projet de réfutation contre Spinoza.<br />

Bossuet a déjà agi contre le Tractatus dans son Discours sur<br />

l'histoire universelle, mais se sent mal armé devant les subtili<br />

tés de l'Éthique; au fond la philosophie demeure pour lui la<br />

servante de la théologie; un rude jouteur comme Lamy ferait<br />

l'affaire, avec d'autant plus de chances qu'il est cartésien, et<br />

que devant un libertinage aussi spécieux,<br />

un athéisme aussi<br />

neuf, Descartes seul est assez moderne pour servir efficacement<br />

de rempart à la foi. Bossuet lui-même, malgré son éducation<br />

thomiste, n'a pas craint de suivre Descartes pas à pas dans La<br />

connaissance de Dieu et de soi-même qui devait initier le dauphin<br />

à la philosophie (4). François Lamy se met donc au travail :<br />

en 1686 (5), une centaine de pages constituent une réfutation<br />

(1) Il attaque Rancé sur la valeur des études monastiques, Arnauld sur<br />

la vision en Dieu, Fontenelle sur les causes occasionnelles, Leibniz sur<br />

l'haTmonie préétablie; mais il penche pour Fénelon et abandonne Male<br />

branche sur la doctrine du pur amour (cf. Bouillier, op. cit., t. II, p.<br />

364-<br />

366J.<br />

(2) Disciple comme Lamy de Malebranche, le Père André dissimule mal<br />

sa jalousie : « Grand copiste de Malebranche, il fait partout le méditatif,<br />

mais il le copie sans lui ressembler. »<br />

(3) Père André (ms. de Troyes, n"<br />

2.287; cf. Bouillier, op. cit., t. II,<br />

p. 364, note 1).<br />

(4) Le traité ne devait paraître qu'après sa mort, mais la lettre latine à<br />

Innocent XI du 8 mars 1679, où il expose son plan général d'éducation, le<br />

préfigure très nettement dans sa partie philosophique.<br />

(5) Dans l'Avertissement de 1696, Lamy avouera que son ouvrage « est<br />

composé en grande partie depuis dix ans ».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!