28.06.2013 Views

SPINOZA

SPINOZA

SPINOZA

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 261<br />

ments s'imposent à nous comme aux contemporains. Dès 1680,<br />

dans le Traité de la nature et de la grâce, Malebranche dénonce<br />

les erreurs anthropomorphiques que commet le vulgaire sur la<br />

personne de Dieu; après Spinoza, comment ne pas reconnaître<br />

que l'Écriture a multiplié les « anthropologies » pour se mettre<br />

à la portée du vulgaire : « Non seulement elle donne un corps<br />

à Dieu, un thrône, un charriot, un équipage, les passions de<br />

joie, de tristesse, de colère, de repentir et autres mouvements<br />

de l'âme,<br />

elle lui attribue encore les manières d'agir ordinaires<br />

aux hommes afin de parler aux simples de manière plus sen<br />

sible (1). » Cette même conception rationnelle et spiritualiste de<br />

Dieu se retrouve dans l'interprétation du miracle. Pour Spi<br />

noza comme pour Malebranche : « Il n'arrive rien dans la nature<br />

qui contredise à ses lois universelles... Tout ce qui arrive en<br />

effet arrive par le décret éternel de Dieu (2). » Enfin, de même<br />

que Spinoza faisait du Christ non point un prophète, interprète<br />

passif de la révélation, mais « le fils éternel de Dieu, c'est-à-dire<br />

de la Sagesse éternelle qui s'est manifestée en toutes choses,<br />

principalement dans l'âme humaine (3) »,<br />

un philosophe en<br />

somme et le plus grand des philosophes, de même Malebranche<br />

charge le Christ d'exposer ses propres découvertes dans les<br />

Méditations chrétiennes. Interprétation hardie qui nous mène<br />

bien loin des transports pascaliens du « mystère de Jésus », ou<br />

des colloques fervents de YImitation, mais qui rejoint l'idée<br />

essentielle de notre cartésien : « La religion, c'est la vraie phi<br />

losophie (4). » Pour lui, le recours à l'évidence sensible de la<br />

foi n'est qu'un moyen pédagogique adapté à la corruption et<br />

à la faiblesse de notre nature : « Agissant avec des fous, il s'est<br />

servi d'une espèce de folie pour les rendre sages (5) », et il répète<br />

avec saint Augustin : « L'évidence, l'intelligence est préférable<br />

à la foi; car la foi passera, mais l'intelligence subsistera éternelle<br />

ment (6). »<br />

Cette vision géométrique de l'univers évoque « invincible-<br />

(1) Amsterdam, EIzevier, 1680, p. 86 (cf. Spinoza, Appuhn, t. II, p. 142 :<br />

= Le vulgaire forge en conséquence un Dieu corporel, investi du pouvoir<br />

royal et dont le trône s'appuie à la voûte du ciel au-dessus des étoiles >).<br />

(2) Ibid., p. 35 (cf. Spinoza : « Les lois de la nature sont constantes et<br />

immuables. Elles sont générales pour tous les temps et pour tous les lieux >,<br />

Appuhn, t. II, p. 126).<br />

de novembre ou dé<br />

(3) Appuhn, t. III, p. 350 (lettre 73 à Oldenburg<br />

cembre 1675).<br />

(4) Traité de morale (Cologne, d'Egmont, 1683, I" partie, livre 2, § 11).<br />

(5) Recherche de la vérité (livre V, chap. 3; cf. Spinoza, Traciatus, chap.\14 :<br />

t Ce qu'est la foi », passim).<br />

(6) Traité de morale (édit. Joly, Paris, Thorin, 1882, p. 20).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!