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SPINOZA

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<strong>SPINOZA</strong> ET LE PROTESTANTISME FRANÇAIS 53<br />

a beau croire la raison corrompue et savoir qu'elle n'ouvre pas<br />

l'accès des choses spirituelles, on ne peut s'empêcher d'en user<br />

et d'en abuser. Poiret procède par une série d'affirmations;<br />

rarement une référence, mais plutôt une série de déductions.<br />

Le dieu de Spinoza n'a pas de vie; c'est une brute inanimée mais,<br />

d'autre part, il ne se distingue pas du reste des êtres. Pas plus<br />

qu'un principe actif, ce n'est une intelligence : en somme un<br />

mot, un pur concept (1). Sa définition est contradictoire : tantôt<br />

unique, ce dieu monstrueux est en fait composé de deux subs<br />

tances, l'étendue et la pensée (2). Poiret dans un beau désordre<br />

défigure de concert Descartes et Spinoza. Mais il amorce déjà<br />

l'argument de Bayle : tout est Dieu si Dieu est partout, et dans<br />

la confusion de la « nature naturante » et de la « nature naturée »,<br />

la divinité se dissout comme un sel dans l'eau (3). Conséquences<br />

plus terribles encore : Dieu n'est plus libre mais soumis au<br />

fatum comme le Jupiter antique (4); il n'est plus tout-puissant<br />

puisqu'il n'est ni le créateur ni le thaumaturge de la Bible (5);<br />

il n'est plus le garant de la justice puisque par le droit naturel,<br />

il autorise le règne de la brutalité et de la perfidie (6). Dans cette<br />

chaîne pesante,<br />

un seul argument de valeur que Fénelon repren<br />

dra : Spinoza qui parle de l'infinité de Dieu aurait dû distinguer<br />

l'infini mathématique ou plutôt numérique de l'infini de perfec<br />

tion,<br />

loin de la dialectique fénelonienne et de son insinuante sou<br />

plesse (8).<br />

en somme l'infini de l'indéfini (7). Mais que nous sommes<br />

Mais l'audace de Poiret ne s'arrête pas là. Après le survol<br />

de Spinoza, c'est l'analyse pointilleuse des dix propositions qui<br />

ouvrent l'Éthique (9) et des définitions et axiomes qui y con<br />

duisent. L'idée est neuve et sera reprise plus tard (10), mais<br />

la réalisation nous déçoit. Une seule critique,<br />

déjà évoquée dans<br />

(1) Cogilaliones ralionales, p. 176, 179, 190, 195, 209 (notes).<br />

(2 Ibid., p. 216-217. Poiret cite Éthique (I, prop. 14, corollaire), pui<br />

en déduit « ergo Dei Spinoziani duo sunt species ».<br />

_<br />

(3) Ibid., p. 217 : « ergo tôt sunt Dei spinoziani quot sunt res in natura •<br />

Bayle et Fénelon reprendront l'argument à satiété.<br />

p. 463.<br />

(4) Ibid.,<br />

(5 Ibid., p. 387-391. ,. . . .<br />

,<br />

493 : « evidentissimum est unumquemque authonzari ad<br />

(6) Ibid p<br />

violandum'ex jure naturae omnes leges divinas et humanas ».<br />

(7) Ibid., p. 507 : « non quidem perfectione, sed numéro ».<br />

18) Fénelon d'ailleurs insistera sur le caractère contradictoire de la notion<br />

d'infini composé. Poiret est incapable d'une telle finesse d analyse.<br />

(91 « Spécimen absurditatis atheismi spinoziani per examen definitionum,<br />

axiomatum et decem priorum definitionum suae Ethices ubi totius ems<br />

imniae<br />

Pseudo-Philosophiae fundamenta quae illic contmentur omnia radi-<br />

citSs exstirpantur. » Un tel titre ne révèle pas beaucoup d'humilité<br />

(10) Le cartésien Régis, le comte de Boulainvilliers, Condillac, etc.

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