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SPINOZA

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166 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSEE FRANÇAISE<br />

acte gratuit et inexplicable, à la célèbre méthode et à sa rigueur<br />

rationnelle? Comment inscrire le miracle, fait contingent, dans<br />

le mécanisme universel? Comment enfin un esprit aussi logique<br />

pourrait-il exclure le miracle, preuve historique, de sa condam<br />

nation générale de l'histoire, toujours confuse, soumise à l'ima<br />

gination, étrangère à l'entendement? Il n'en est rien pourtant.<br />

Nul n'est plus prudent que ce révolutionnaire. « On a vu Des<br />

cartes déserter une méthode sublime et dès le second pas rai<br />

sonner comme un moine », disait Stendhal (1). Descartes a<br />

revendiqué contre la scolastique les droits de la raison,<br />

mais ce<br />

ne sera en aucun cas contre les droits de la divinité. Nous sommes<br />

finis, Dieu est infini; donc il pense et agit sans que notre raison<br />

puisse le comprendre : « Nous ne devons pas trouver étrange<br />

qu'il y ait, dans sa nature qui est immense et en ce qu'il a fait,<br />

beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit (2). »<br />

Dès lors, une cloison étanche est dressée entre la foi et la raison,<br />

entre l'histoire et la science. La seconde satisfait seule notre<br />

entendement; mais à la première, Descartes accorde néanmoins<br />

une crédibilité appuyée sur l'autorité établie et l'illumination<br />

de la grâce. Il n'y a donc aucune raison de mettre en doute le<br />

miracle. Descartes l'accepte les yeux fermés. Dieu peut, quand il<br />

le veut, et par simple « promulgation », rompre l'ordre de la<br />

nature et créer ce qu'il lui plaît. Car, « à quoi servirait l'infinie<br />

puissance de cet infini imaginaire s'il ne pouvait jamais rien<br />

créer (3) ». « Puisque Dieu est infini, ce n'est pas à moi à pres<br />

crire aucune fin à ses ouvrages (4). » En un mot, le Père La<br />

Berthonnière résume (5) cette doctrine implicite : « Pour qu'il<br />

y ait miracle, il suffit que Dieu se détermine à faire quelque chose<br />

autrement que conformément aux lois selon lesquelles il a<br />

constitué le monde. »<br />

Mais Descartes n'est pas un théologien médiéval. D'autres<br />

avant lui avaient proclamé l'exclusion réciproque de la foi par<br />

la science et de la science par la foi. Mais les théologiens antérieurs<br />

avaient pour but de diminuer la science. Au contraire, Descartes<br />

ne pratique cette tolérance respectueuse à l'égard du miracle<br />

et des autres vérités de foi que par une désaffection réelle; son<br />

séparatisme est au fond une exaltation de la science, qui tendait<br />

(1) Histoire de la peinture en Italie, Épilogue (cité par Alain, Stendhal,<br />

Paris, Rieder, 1935, p. 15).<br />

(2) Principes, 1" partie, t. IX, p. 35-36 (édit. Adam-Tannery, Hachette).<br />

(3) Secondes réponses (ibid., t. IX, p. 111).<br />

(4) Lettre à Clerselier (23 avril 1649, ibid., t. V, p. 355).<br />

(5) La Religion de Descartes (in Annales de Philosophie juillet-<br />

chrétienne,<br />

septiimbre 1911, p. 384).

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