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LA PÉNÉTRATION DU SPINOZISME 109<br />
tudes lorsque le départ des étrangers, tout en appauvrissant le<br />
cercle, exigera le lien des correspondances et que la mort de<br />
Spinoza et la parution des Opéra Posthuma, éventant tout secret,<br />
raviveront la curiosité. Huygens malade quitte Paris le 1er juil<br />
let 1676 (1 ) ; Leibniz part à son tour en octobre pour aller rejoindre<br />
l'électeur de Hanovre : infatigable épistolier, il sera le principal<br />
maillon de la chaîne. Il reste en relation avec le disciple préféré<br />
de Spinoza, Schuller, ainsi qu'avec le vagabond Tschirnhaus<br />
qui, voyageant à Rome, ne craint pas de lui parler du maître en<br />
termes affectueux. Lorsque Schuller lui annonce en mars 1677<br />
la mort de Spinoza (2), lorsque Tschirnhaus défend auprès de<br />
lui son attachement à la notion de substance unique (3), le terme<br />
de mortuus noster traduit un sentiment qui n'est pas de com<br />
mande. Mais Leibniz n'oublie pas la France. Pendant que Bros-<br />
seau, résident du duc de Hanovre à Paris, lui expédie par Rouen<br />
et Hambourg de nombreux ballots de livres, il stimule les anciens<br />
membres du groupe par l'intermédiaire d'un précepteur danois,<br />
Friedrich Adolf Hansen,qui dirige à Paris quelques jeunes nobles<br />
de son pays (4). Mais il ranime plus directement encore le souvenir<br />
de Spinoza. En septembre 1677, c'est en termes émus qu'il<br />
annonce à Jean Gallois la mort du maître : « Spinoza est mort<br />
cet hiver. Je l'ai vu en passant par la Hollande et je lui ai parlé<br />
plusieurs fois et fort longtemps. Il a une étrange métaphysique<br />
pleine de paradoxes. Entre autres, il croit que le monde et Dieu<br />
n'est qu'une même chose en substance, que Dieu est la substance<br />
de toute chose et que les créatures ne sont que des modes et<br />
accidents (5). » Mais son principal correspondant est Henri<br />
Justel et leur communauté de religion autorise plus de liberté.<br />
Celui-ci le tient au courant des publications nouvelles et bien<br />
souvent le nom de Spinoza revient au fil de la plume; donc Justel,<br />
que ce soit par Huygens ou Leibniz, est informé du sujet bien<br />
(1) Brugmans, op. cil., p. 67 (Huygens, après deux ans de convalescence,<br />
devait revenir en juin 1678).<br />
(2) Correspondance de Leibniz (op. cit., lettre 136, p. 304).<br />
3 Ibid lettre 141, p. 315 ; « Attamen non intermittere possim quin<br />
dicam mihï eam definitionem quam tradidit mortuus noster videri adaequatissimam<br />
dum Deum définit per substantiam absolute infimtam » (lettre<br />
de Rome du 17 avril 1677). T» .„ ■ »<br />
p. 463). Hansen est qualifié de « Hofmeister<br />
(4) Ibid. (Reihe I, Band 2,<br />
dahischer Edelleute in Paris». En 1677 et 1678.il fréquente assidûment<br />
Justel et Mariotte et visite Huygens qui vient de rentrer à Pans<br />
(5) Ibid., lettre 158, p. 379. Un fragment de lettre dont on ignore le<br />
destinataire est encore plus émouvant si l'on pense au peu d affectivité de<br />
Leibniz : « M. Spinoza... a quitté cette vie il y a quelques semaines Spinoza<br />
était un homme d'une profonde méditation et qui avait le talent de s expli<br />
quer nettement...<br />
- (in Jean Baruzi, Leibniz, Pans, 1909, p. in.).