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SPINOZA

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82 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

rallie la France, se convertit au catholicisme et vit médiocrement<br />

à Paris jusqu'en 1714, nanti d'une pension du clergé pour brûler<br />

dans de médiocres publications tout ce qu'il avait adoré (1).<br />

Une telle vie ne démontre guère une grande solidité intellec<br />

tuelle. Aubert de Versé croyait assez aux idées pour se laisser<br />

tenter par les plus aventureuses, qui sont souvent les plus nobles.<br />

Allons-nous lui reprocher de n'avoir pas su souffrir pour elles,<br />

quand nous ne tenons nulle rigueur aux prudences de Bayle et<br />

aux chicanes de Richard Simon? Il fut le premier,<br />

que nous<br />

sachions, à vanter aussi noblement l'unité chrétienne qui se<br />

doit de tolérer dans son sein même les sociniens et les quakers (2) ;<br />

le premier, avant Voltaire, à trouver dans la tolérance à la fois<br />

un principe fécond de morale et une source de prospérité pour<br />

les Etats. Il n'est pas, comme son époque l'a cru,<br />

un esprit<br />

détraqué, une caricature de Bayle; il est déjà, par son goût de<br />

la libre discussion des idées, un authentique disciple de Spinoza :<br />

« J'avoue que chacun a droit de penser ce qu'il voudra et de<br />

censurer même toutes les pensées d'autrui. Mais cela se doit<br />

toujours faire sans violence et sans tyrannie sur les esprits.<br />

Lorsqu'on en vient à cette extrémité, ce n'est plus raisonner ni<br />

philosopher, c'est faire le tyran et le faire sur des sujets qui ne<br />

souffrent rien si impatiemment que la contrainte. Les hommes<br />

peuvent bien par la force régner sur les corps, mais ils ne sauraient<br />

jamais régner par elle sur les esprits. La gloire et le pouvoir de<br />

régner sur eux n'appartient qu'à la raison même (3). » Que ce<br />

soit un écho d'une page de Pascal ou du dernier chapitre du<br />

Tractatus (4), il y a certaine noblesse de pensée qui impose le<br />

respect.<br />

Or, par deux fois,<br />

Aubert de Versé se trouve plus directement<br />

en contact avec Spinoza; en 1687,<br />

dans son Traité de la liberté<br />

de conscience, il ne craindra pas restricd'engager,<br />

avec quelques<br />

(1) Notamment l'Anlisocinien (1692).<br />

(2' " - ' " ■<br />

(2) Cf. le sous-titre du Prolestant pacifique : « dans lequel on fait voir<br />

par les principes des réformés que la foi de l'Église catholique ne choque<br />

point les fondements du salut et qu'ils doivent tolérer dans leur communion<br />

tous les chrétiens du monde, les sociniens et les quakers même dont on<br />

explique la religion. »<br />

(3) L'Impie convaincu (Amsterdam, Jean Crélie, 1684, Avertissement).<br />

(4) Appuhn, t. II, chap. XX, p. 377 : « Il ne peut se faire que l'âme d'un<br />

homme appartienne entièrement à un autre; personne en effet ne peut trans<br />

férer à un autre ni être contraint d'abandonner son droit naturel ou sa<br />

faculté de faire de sa raison un libre usage et de juger de toutes choses. Ce<br />

fouvernement par suite est tenu pour violent qui prétend dominer sur les<br />

mes et une majesté souveraine parait agir injustement contre ses sujets<br />

et usurper leur droit quand elle veut prescrire à chacun ce qu'il doit admettre<br />

comme vrai ou rejeter comme faux... »

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