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SPINOZA

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140 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

été perdus, il était en quelque façon impossible qu'il n'y arrivât<br />

plusieurs changements (1). » Croire à la divinité de la lettre est<br />

un préjugé juif dû à l'orgueil des rabbins : « La Bible a été sujette<br />

aux mêmes accidents que la plupart des autres livres (2). »<br />

Aussi va-t-il traiter l'Écriture comme un livre ordinaire. Ce<br />

désordre, cette confusion, ces redites, ces anachronismes sont<br />

dus aux copistes. « On a joint ensemble plusieurs leçons et expli<br />

cations des mêmes mots (3) »; on a prodigué des éclaircissements<br />

« pour rendre le texte plus intelligible (4) »; il y a eu interversion<br />

de l'ordre des matières grâce à une utilisation maladroite des<br />

rouleaux de papyrus. Enfin et surtout, « ceux qui ont recueilli<br />

ces livres y ont ajouté quelques mots pour éclaircir davantage<br />

les paroles du texte en les accommodant aux usages et aux cou<br />

tumes de leur temps (5) ». Si l'on pense que des remarques sem<br />

blables s'appliquent à Josué où Richard Simon revient à Masius<br />

et Abravanel, à Samuel « compilé longtemps après que les faits<br />

dont il est y parlé sont arrivés (6) », aux Prophètes auxquels on<br />

attribue « plusieurs histoires qui n'ont pas été écrites par ceux<br />

dont elles portent les noms (7) », la conclusion s'impose rapide<br />

ment : le texte sacré est une compilation tardive, révisée par les<br />

prophètes, mais plus sûrement par Esdras qui a, soit refait la<br />

Bible, soit « recueilli les anciens mémoires en y ajoutant, dimi<br />

nuant et changeant ce qu'il croyait être nécessaire (8) »; il faut<br />

nous résoudre à repérer sur un texte primitif hypothétique la<br />

trace des erreurs, des gloses, des additions marginales, des sou<br />

dures plus ou moins adroites, des lacunes et des répétitions. Et<br />

c'est ainsi que Richard Simon, sans citer une seule fois Spinoza,<br />

se retrouve avec lui au bord de l'abîme. Quelle certitude dès lors<br />

peut s'appuyer sur un édifice aussi ruineux? Comment ne pas<br />

comprendre le scandale d'une telle exégèse auprès des chrétiens?<br />

Aussitôt, en Hollande, Ezéchiel Spanheim, qui a connu Spinoza,<br />

rapprochera les deux hommes : « On aura craint qu'en appuyant<br />

comme il fait après le même Spinoza et encore de toute la force<br />

de la critique l'incertitude des auteurs de plusieurs livres du<br />

Vieux Testament..., qu'en exposant ces livres sacrés à toute la<br />

même destinée des ouvrages appelés communément profanes,<br />

(I) Histoire critique du Vieux Testament (p. 1).<br />

2) Ibid., p. 37.<br />

p. 33.<br />

(3) Ibid.,<br />

4) Ibid., p. 34.<br />

5) Ibid., p. 45.<br />

(6) Ibid., p. 53.<br />

7) Ibid., p. 55.<br />

(8) Ibid., p. 4.

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