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SPINOZA

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70 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

nécessité aveugle, la prudence devient inutile. A quoi bon déli<br />

bérer? On ne délibère pas sur les événements inévitables, sur<br />

la pluie ou le coucher du soleil. Imaginez un chef d'État, un<br />

général,<br />

un médecin spinozistes? L'homme n'est plus qu'« un<br />

paralytique dans une maison en feu ou dans un vaisseau en<br />

perdition (1) ». Mais les conséquences sociales sont plus graves<br />

encore. Nier la liberté, c'est nier les lois et toute autorité poli<br />

tique; tout code suppose la liberté; on ne punit pas les fous,<br />

pas plus qu'un gouverneur qui rend une place quand il n'a<br />

plus de vivres. Avec Spinoza, la société devient « une misérable<br />

cohue, un chaos confus, une parfaite anarchie (2) ». Nier la<br />

liberté, c'est abolir l'usage des traités et des conventions; quand<br />

on n'est pas libre, on ne peut s'obliger, car toute obligation devient<br />

pour Spinoza ou impossible ou nécessaire. Dès lors « la société...<br />

qui n'est elle-même qu'un traité, se dissoudra d'elle-même et les<br />

hommes retomberont dans l'état sauvage d'où cette convention<br />

les avait tirés (3) ». Hobbes avait déjà décrit l'affreuse guerre de<br />

l'état de nature, mais admettait le pacte social : « Spinoza décrie<br />

ce remède et pose des principes qui ne sauraient être vrais sans<br />

faire voir avec la dernière évidence que ce remède est inutile<br />

et de nul effet (4). »<br />

Beaucoup<br />

de rhétorique et peu de philosophie. La Placette<br />

d'ailleurs s'en rend compte. Il ne suffit pas de dire que Spinoza<br />

est « un apothicaire empoisonneur »,qui mêle à toutes ses compo<br />

sitions et donne à tous ses malades du « sublimé corrosif (5) »,<br />

pour rompre la chaîne de ses déductions. La Placette comme<br />

Bayle n'ose pas s'avouer qu'il ne croit pas lui-même à la valeur<br />

rationnelle de l'exigence morale. Il revendique désespérément<br />

l'utilité pratique d'une liberté qu'il n'a pas encore réussi à<br />

prouver : « C'est un crime de répandre un dogme si pernicieux. »<br />

Même si Spinoza dit la vérité, le mensonge serait préférable,<br />

l'erreur profitable et féconde (6).<br />

C'est sur le plan rationnel que se joue la partie. La Placette<br />

le sent bien. Il faudrait se dégager d'un déterminisme qui le<br />

gêne, parce qu'il est l'essence même de sa religion. Rien de plus<br />

(1) Éclaircissements... (p. 291).<br />

(2 Ibid., p. 299.<br />

(3 Ibid., p. 303.<br />

(4) Ibid., p. 304. Avec une certaine déloyauté, La Placette cite le Traité<br />

politique (Appuhn, t. III, p. 12, chap. II, S 18) et assimile à la morale de<br />

Spinoza la description de l'amoralité dans l'état de nature : « Dans l'état de<br />

nature, il n'y a point de péché. »<br />

(51 Éclaircissements... (p. 3131.<br />

(6) Ibid., p. 307-310.

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