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SPINOZA

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« LE TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE » 215<br />

Mais une influence positive se discerne ailleurs. Pas de pro<br />

fessions de foi certes,<br />

ou d'ouvrages dogmatiques. Reprenant le<br />

vieux cadre libertin du voyage extraordinaire, protégés par la<br />

fiction et les parfums de l'aventure, les déistes vont dépayser<br />

leur doctrine, l'attribuer à des peuples étranges et par là même<br />

en refuser la paternité. Voltaire fera-t-il autre chose dans ses<br />

Contes et Montesquieu dans ses Lettres persanes? Voyons les<br />

Australiens de Jacques Sadeur (1). Leur société naturelle est<br />

uniquement guidée par la raison qui leur fait « confondre la ■<br />

vanité de plusieurs qui, faisant gloire d'être éclairés de lumières :<br />

surnaturelles, vivent comme des bêtes, pendant que ceux qui<br />

ne sont conduits que de l'humanité font paraître tant d'exemples<br />

de vertu ». (2) C'est un crime chez eux de parler et de discuter de<br />

religion; leur dieu, le Haab,<br />

« grand architecte et suprême modé<br />

rateur », n'admet ni théologie ni culte. « Cet être incompréhen<br />

sible est partout. » Aucune volonté particulière ne le manifeste<br />

car « un être universel ne doit agir qu'universellement et sans<br />

particularité ». Il est vain de prétendre le voir et l'approcher,<br />

car « cet être des êtres ne se découvre non plus que s'il n'était<br />

pas ». Il n'y a pas de prophètes et d'inspirés : « Comment croire<br />

que le Haab a plutôt parlé aux uns qu'aux autres? » Il n'y<br />

a pas de miracles : « D'où pouvait-on connaître que ces mer<br />

veilles avaient été faites? » On ne peut fonder une religion sur<br />

« la crédulité de ceux qui se laissent plus facilement persua<br />

der ». L'Australien, c'est-à-dire le déiste, s'avoue « incapable de<br />

connaissances surnaturelles, d'autant plus qu'(il) croit impossible<br />

ou incompréhensible tout ce qu'il ne peut comprendre (3) ».<br />

Délaissons les scories allogènes, les réminiscences de Campa<br />

nella et de Cyrano de Bergerac sur l'âme ignée (4). Ne s'agit-il<br />

pas d'un résumé grossier, outrancier et parfois maladroit des<br />

thèses essentielles du Tractatus? Or, quel est l'auteur? Un pauvre<br />

diable, un cordelier lorrain défroqué, Gabriel de Foigny, né vers<br />

1630 entre Rethel et Reims, d'excellente éducation, qui vint<br />

s'établir à Genève en février 1666. Peu importe sa vie dissolue<br />

(1) Cf. Lanson, R. C. C. (12 mars et 2 avril 1908), et Frédéric Lachèvre v'<br />

Les Successeurs de Cyrano de Bergerac (Champion, " Paris, * 1922) (chapv'<br />

'<br />

VI, VII de l'édition de Foigny).<br />

(2) Lachèvre, op. cit. (p. 108).<br />

(3) Ibid., p. 109-114.<br />

(4) Foigny développe (ibid., p. 117) la doctrine « d'un génie universel<br />

qui se communique par parties à chaque particulier et qui a la vertu lors<br />

qu'un animal meurt, de se conserver jusqu'à ce qu'il soit communiqué à<br />

un autre... tellement que ce génie s'éteint en la mort sans cependant être<br />

détruit, puisqu'il n'attend que l'occasion d'une nouvelle disposition pour<br />

se rallumer et qu'il se rallume selon la qualité du feu qui lui est commu<br />

niqué ».

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