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SPINOZA

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176 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

dément fait justice par une explication purement linguistique (1).<br />

Rien n'est plus embarrassant pour Bayle que ce prétendu miracle<br />

qui échappe à son critérium cui bono; il est à notre jugement<br />

humain, nuisible à la cause de Dieu, puisque contraire à la jus<br />

tice et à la bonté divines. Et pourtant, si le fait est avéré, Bayle<br />

l'acceptera par un acte de foi, délibérément absurde : « Si nous<br />

avions une révélation expresse qui nous assurât que l'intention<br />

du Saint-Esprit a été que ces paroles fussent prises dans toute<br />

la rigueur de la lettre, l'Église ne manquerait pas d'y déférer,<br />

imposant silence à la raison et lui démontrant que, puisque Dieu<br />

qui est la règle et la source de la sainteté et de la justice nous<br />

déclare qu'il a endurci le cœur de Pharaon au pied de la lettre,<br />

cet endurcissement est un acte qui ne choque ni sa sincérité, ni<br />

sa justice, ni sa sainteté (2). » Que de réticences et d'arguties<br />

dans cet acte de foi! M. Delvolvé peut s'inquiéter à juste titre<br />

d'une aussi minutieuse orthodoxie (3). Acculés à accepter un<br />

« miracle » qui ne répond plus au critérium moral, nous sommes<br />

tentés d'en contester l'authenticité, même au prix d'une exégèse<br />

historique. Nul doute que sur ce point précis Bayle ne se soit<br />

souvenu de Spinoza.<br />

Le livre de Bayle, complété en « 1683, jouit pendant neuf ans<br />

d'une paix assez glorieuse » et attira à l'auteur des éloges « de<br />

la part de plusieurs personnes d'État et d'érudition ». (4) Même<br />

le pasteur Jurieu fut longtemps bienveillant; puis les disputes<br />

d'ordre politique qui opposèrent les deux hommes, une douzaine<br />

de libelles échangés entre 1691 et 1694 aiguisèrent à la fois la<br />

haine et la clairvoyance. Jurieu flaira le danger d'une doctrine<br />

aussi déterministe et reprocha vivement à Bayle « son dessein<br />

d'établir que Dieu ne fait jamais de prodiges et de choses extraor<br />

dinaires pour être des présages de l'avenir et que les tremble<br />

ments de terre, les météores extraordinaires, les apparitions, les<br />

voix, les monstres, etc., se font par des voies naturelles et néces<br />

saires ». De même qu'Arnauld avait poussé Malebranche à préci<br />

ser bien malgré lui sa doctrine, Jurieu contraint Bayle à appro<br />

fondir la sienne. Sans doute Bayle maintient-il sa croyance aux<br />

miracles de l'Écriture, moyennant leur utilité pour la bonne<br />

cause : = Bien entendu que s'il y a quelque part des feux extra<br />

ordinaires visibles seulement ou à quelque ville ou à quelque<br />

« (1) Quand l'Écriture dit que Dieu a endurci le coeur de Pharaon, il faut<br />

croire que cela veut simplement dire : Pharaon s'obstina » (cf. Appuhn,<br />

t. II, p. 144).<br />

(2 Pensées diverses... (édit. Prat, t. II, p. 224).<br />

13) Essai sur Pierre Bayle (thèse, Paris, 1906, p. 49).<br />

(4) Additions aux . Pensées diverses », Avertissement au lecteur.

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