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SPINOZA

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<strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

sans liberté et sans providence, sans but et sans fin, sans choix<br />

et sans élection, emporté par une nécessité aveugle (1) »? Tout<br />

ordre politique est détruit; car si le droit naturel est le règne<br />

du plus fort et du plus habile, les hommes sont-ils libres d'abdi<br />

quer en faveur d'un souverain (2)? La morale est anéantie, car<br />

Dieu n'est pas un souverain qui ordonne, l'Écriture est d'origine<br />

humaine et la Providence n'est qu'un ordre immuahle de la<br />

nature. Enfin que devient la religion, si le péché originel est<br />

« une fiction d'esprit »,<br />

si Jésus-Christ n'est ni le médiateur ni<br />

le rédempteur? Toutes ces erreurs mènent à d'<br />

« horribles excès »,<br />

mais le pire est qu'elles séduisent. Les raisons de ce succès,<br />

Lamy<br />

les voit dans l'unité profonde d'une doctrine sensible<br />

aussi bien dans les Lettres et le Tractatus que dans l'Éthique<br />

et qui donne au spinozisme entier « un air d'enchaînement » et<br />

« un tour de nouveauté (3) ». Mais ce succès vient avant tout<br />

chez le lecteur de la corruption libertine, et chez l'auteur d'un<br />

art consommé de l'imposture. Haine du christianisme d'abord :<br />

« La grande source... des erreurs du système de Spinoza..., c'est<br />

le chagrin, le dégoût, l'aversion qu'on a de la morale chrétienne :<br />

une morale qui s'oppose aux penchants les plus naturels... ne<br />

peut plaire naturellement au cœur humain; c'est un joug insup<br />

portable qu'il faut secouer à quelque prix que ce soit (4). »<br />

Mais aussi incessante hypocrisie qui donne le change : Spinoza<br />

ose parler de la loi de Dieu : « Un catholique (en) parlerait-il<br />

mieux et n'aurait-on pas sujet de prendre ces belles paroles<br />

pour une rétractation formelle de ce qu'il nous vient de dire<br />

touchant la vertu? Mais il peut bien changer de langage et<br />

affecter un air de piété; il ne change pas pour cela de senti<br />

ments (5). » Spinoza ose parler de l'amour de Dieu,<br />

mais lors<br />

qu'il le rend compatible avec le règne des « passions, il n'est pas<br />

besoin de se faire beaucoup de mal à la tête pour accomplir la<br />

loi de Dieu et vivre dans l'amour actuel (6-) », c'est-à-dire dans<br />

la sensualité. En résumé, une dérision impie que cette religion<br />

et cette morale prétendues : « Sans mentir,<br />

le Dieu de Spinoza<br />

est un Dieu fort commode et peu jaloux de sa gloire et de son<br />

culte. Prenez ce Dieu pour tout ce qui vous plaira, pour le feu,<br />

(1) Le Nouvel Athéisme renversé (p. 33).<br />

(2) Ibid., p. 42.<br />

(3) Ibid., p. 75.<br />

(4) Ibid., p. 84.<br />

5 Ibid., p. 59.<br />

(6) Ibid., p. 60 (Lamy se fonde sur Éthique, V, prap. 15 et 16 : ' Celui qui<br />

comprend et soi-même et ses affections clairement et distinctement, aime<br />

Dieu •).

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