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SPINOZA

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LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 283<br />

ditionnelles. Mais cette conciliation « ingénieuse » est sans valeur<br />

philosophique (1).<br />

Malebranche dès lors ne peut plus se dérober. Dans sa longue<br />

réponse du 12 juin 1714, il expose patiemment sa doctrine de<br />

l'étendue et maintient ses trois étages : l'étendue intelligible,<br />

la substance étendue divisible, la multiplicité des choses. Spi<br />

noza confond le monde et l'étendue intelligible; sans cette subs<br />

tance étendue divisible, Dieu n'aurait pas eu de matière pour<br />

composer la diversité du monde (2); Spinoza confond l'ouvrage<br />

avec l'ouvrier. Dortous de Mairan, toujours mécontent, revient<br />

à l'assaut avec une remarquable aisance dialectique; le voici<br />

revendiquant pour l'idée d'infini en général, et pour l'idée d'une<br />

étendue infinie en particulier, « le privilège de l'argument onto<br />

logique que Descartes réservait pour l'idée de parfait (3) r.<br />

concevoir l'idée de l'étendue, c'est concevoir son existence. Sous<br />

l'idée de l'étendue, il y a une étendue réelle infinie ou un pur<br />

néant (4). Malebranche a donc tort de distinguer « deux sortes<br />

d'idée d'étendue », l'étendue intelligible non divisible et l'éten<br />

due substance divisible qui n'est qu'une abstraction (5); s'il<br />

n'admet pas une adéquation parfaite entre l'idée et son ideatum,<br />

le monde matériel n'a plus aucune réalité et nous tombons<br />

dans l'immatérialisme : que devient donc le dogme de la Créa<br />

tion (6)? Il ne faut donc pas refuser à Dieu, l'être infiniment<br />

infini, « la réalité que l'esprit aperçoit le plus clairement, et le<br />

plus invinciblement », à savoir l'étendue. Malebranche parle lui-<br />

même de « l'immensité divine »;<br />

si ce n'est pas « un beau mot<br />

il faut se rallier à la conception spinoziste de<br />

vide de sens (7) »,<br />

Dieu.<br />

L'Oratorien tient à conclure. Sa dernière lettre met fin au<br />

débat le 6 septembre 1714. Rapidement, il revient sur la plu<br />

ralité des substances niée par Spinoza dans son 5e théorème<br />

et refuse le mot de « modification » : il n'y a que des parties<br />

dans l'étendue matérielle et non des manières d'être. Quant à<br />

l'étendue intelligible,<br />

elle n'implique pas l'existence de l'éten<br />

due réelle; c'est l'expérience et non la raison qui nous la révèle<br />

et le monde pourrait ne pas plus exister que la main qui fait<br />

souffrir le manchot ou le spectre qui effraye un fou (8).<br />

(I) Moreau, p. 129-130.<br />

2) Lettre du 12 juin 1714 (ibid.,<br />

3) Ibid., p. 31.<br />

4) Ibid., p. 151.<br />

5) Ibid., p. 152.<br />

6) Ibid., p. 30 et 164.<br />

(7) Ibid., p. 165.<br />

p. 140).<br />

(8 Lettre du 6 septembre 1714 (ibid., p. 170-171).

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