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SPINOZA

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272 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

aussi fort vraisemblable qu'à cette date, Fénelon n'a pas encore<br />

lu l'Éthique. Dès lors pendant quinze ans, le préceptorat du<br />

duc de Bourgogne, la vie de cour où « le fumet des affaires »,<br />

comme dit Saint-Simon, ne lui est pas indifférent, et surtout<br />

la tourmente du quiétisme, l'empêchent de penser à une doc<br />

trine qu'il n'a que superficiellement côtoyée. Fénelon est tou<br />

jours beaucoup plus friand d'âmes que de sagesse dogmatique.<br />

Mais dans la dernière partie de sa vie, à l'époque de la néces<br />

saire mise au point, dans le glorieux exil de Cambrai, il ne pourra<br />

se refuser à approfondir sa doctrine personnelle : c'est alors que<br />

bon gré mal gré, il trouvera Spinoza sur son chemin.<br />

Dès 1696, un an après sa consécration, nous le voyons sou<br />

tenir de tout son prestige la réfutation cartésienne du Père<br />

François Lamy et laisser publier en appendice à l'ouvrage<br />

l'ébauche d'une dialectique personnelle (1); ces quelques frag<br />

ments n'avaient pas l'ambition ridicule de suivre une méthode<br />

géométrique, mais développaient avec une précision nouvelle et<br />

une finesse rare quatre points d'attaque : l'idée d'infini, l'idée<br />

de création, la distinction de Dieu et du monde et la multi<br />

plicité des substances. Amorçant déjà, à la suite de Malebranche,<br />

l'argumentation à laquelle Bayle donnera un tour définitif, Féne<br />

lon montre tout d'abord la stupidité qu'il y a à concevoir un<br />

Dieu infini constitué par une multiplicité de parties : « Tout<br />

infini divisible est impossible; donc l'infini dont nous avons<br />

l'idée est simple..., donc il est infini par une totalité d'être qui<br />

n'est pas collective mais intensive. L'unité dit plus que le plus<br />

grand nombre (2). » Contre Spinoza qui ruine l'idée de création,<br />

il établit que si Dieu est l'être parfait, le pouvoir de création<br />

augmente cette perfection : « Il est plus parfait de pouvoir<br />

produire quelque chose de distingué de soi que de ne le pou<br />

voir pas. » L'infini n'est fécond en effet que dans la mesure où<br />

il fait passer quelque chose du néant à l'être, mais nécessaire<br />

ment cette création est bornée et imparfaite. Par suite, Dieu<br />

■est distinct de la création et dans la notion d'être, il faut dis<br />

tinguer le degré et la partie : « Dieu est tout degré d'être, mais<br />

il n'est pas tout être en nombre (3). » Enfin, contre Spinoza<br />

qui croit démontrer l'unicité de la substance, Fénelon proclame<br />

l'existence de substances multiples, qui loin d'être des modifi<br />

cations d'attributs divins, sont réellement indépendantes. Les<br />

(1) Le Nouvel Athéisme renversé (op. cil.) (« suivi d'un extrait d'une lettre<br />

de Mgr de Fénelon sur la réfutation de Spinoza », p. 525-550).<br />

(2) Lettre sur la religion (III, B, édit. Didot, '<br />

Paris, 1845, t. I, p. 147).<br />

p. 148.<br />

(3) Ibid.,

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