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SPINOZA

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268 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

réponse irritée de Malebranche n'est pas pour le disculper (1).<br />

Mais bientôt il n'est plus de ménagement; c'est le fantaisiste<br />

abbé Faydit qui en 1705 réfute « les inductions pernicieuses » de<br />

Spinoza et de Grotius et « quelques opinions particulières du Père<br />

Malebranche (2) »; puis les Jésuites se déchaînent lorsque Male<br />

branche aura blessé leur amour-propre en accusant d'athéisme,<br />

dans son Entretien d'un philosophe chrétien et d'un philosophe<br />

chinois (3), le peuple où la Compagnie recrutait tant de caté<br />

chistes. Tour à tour entrent en lice le Père Tournemine dans les<br />

Mémoires de Trévoux, puis le Père Dutertre l'année même de<br />

la mort du philosophe (4); le Père Hardouin enfin ne craindra<br />

pas d'insulter sa mémoire dans les Alhei Detecti qu'il publiera<br />

en 1733 en Hollande (5).<br />

Mais le coup de grâce devait venir d'un jeune disciple. C'est<br />

en toute loyauté pourtant que deux ans avant la mort de Male<br />

branche, Dortous de Mairan, qui pendant quatre années à Paris<br />

avait profité de ses leçons mathématiques, lui fera part de<br />

l'étonnante similitude qu'il découvre entre les deux systèmes<br />

sur la question de l'étendue. C'est avec l'Éthique en main qu'il<br />

se sent incapable de distinguer l'étendue réelle et l'étendue<br />

intelligible. Il lui propose une solution, celle de Spinoza : l'éten<br />

due réelle ne serait-elle pas simplement un mode ou une affec<br />

tion de la substance étendue et non une substance? « Il est<br />

clair que votre étendue intelligible n'est autre que l'étendue-<br />

substance dont l'étendue créée ou matérielle n'est que le simple<br />

mode (6). » Poussant à l'extrême son souci de logique, désireux<br />

de ne pas le céder en rigueur à Spinoza, le jeune mathématicien<br />

place son maître devant le dilemme, ou d'une nature indépen<br />

dante de Dieu ou d'un Dieu assimilé à la nature.<br />

Ainsi donc, pendant près de trente ans, tous les meilleurs<br />

esprits du temps ont acculé Malebranche au spinozisme. Nous<br />

« (1) Je ne réponds point à ce discours de M. Régis. Je m'en plains et<br />

je voudrais bien ne m'en plaindre qu'à lui-même, mais cela est trop public.<br />

De bonne foi, Monsieur, aviez-vous prétendu combattre mon sentiment en<br />

cet endroit de votre ouvrage? Prenez garde, je vous prie, le monde en<br />

conclurait que vous n'entendez pas ce que vous lisez. Car je défie le plus<br />

habile et le plus mal intentionné critique de me faire soupçonner, par ceux<br />

qui ont lu mes livres, d'avoir insinué cette impiété que Dieu est l'être uni<br />

versel en ce sens que tous les êtres créés sont ses parties intégrantes. »<br />

(Réponse à M. Régis, chap. II.)<br />

(2) Remarques sur Virgile et sur Homère... (Paris, Cot, 1705, in-12).<br />

(3) Paris, David, 1708.<br />

(4) Réfutation d'un nouveau système de métaphysique proposé par le<br />

P. Malebranche (Paris, 1715, 3 vol. in-12).<br />

(5) In Opéra varia (Amsterdam, 1733, in-folio).<br />

(6j Lettre du 19 novembre 1713 (in V. Cousin, op. cit., p. 279).

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