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SPINOZA

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LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 231<br />

matière doit être intelligente, mais rien n'est plus incompatible<br />

que l'esprit et la matière dans un même sujet; la matière ne<br />

peut penser. Voilà pourquoi tant de philosophes anciens, comme<br />

Pythagore au dire de Virgile,<br />

trés de la Chine, joignent à la matière « une âme du monde<br />

intelligente », divisant ainsi le tout en deux parties, l'une spiri<br />

tuelle, l'autre matérielle. Ce sont là des systèmes absurdes, mais<br />

ou de modernes comme les let<br />

non athées. Seul Spinoza se flatte dérisoirement de détourner<br />

l'objection en prétendant que sa substance unique est « suscep<br />

tible de plusieurs attributs; un attribut la rend étendue, un<br />

autre la rend pensante ». Qui ne voit qu'il s'agit là d'une argu<br />

tie purement verbale? «Admirable effort de ce rare génie (1),»,<br />

s'écrie ironiquement Tournemine.<br />

Le détail même de l'Éthique n'est pas moins équivoque. Que<br />

veut dire cette 6e proposition du Ier livre suivant laquelle une<br />

substance ne peut en produire une autre? Et cela,<br />

sous pré<br />

texte qu'il ne peut exister deux substances de même attribut,<br />

c'est-à-dire qui aient quelque chose de commun. Vraiment, Spi<br />

noza emploie « un curieux langage », car en bon « français, n'avoir<br />

rien de commun » signifie n'avoir aucun rapport et non être<br />

de nature différente (2). C'est engager là en tout cas une étrange<br />

doctrine de la causalité. Et Tournemine, fidèle à Aristote, d'expli<br />

quer à Spinoza que l'on peut connaître l'effet par la cause, non<br />

la cause par l'effet, car « l'effet ne contient pas toutes les<br />

perfections de la cause ». Les lois naturelles ne reflètent donc<br />

pas les fluctuations intimes d'une substance unique, mais les<br />

rapports réciproques de substances hétérogènes. Il n'y a pas<br />

de substance unique ; Spinoza a bâti « sur le fondement ruineux<br />

d'un axiome pris à contresens ». « Tant vanté par ceux qui res<br />

pectent son obscurité, il fait pitié à ceux qui l'entendent (3). »<br />

En conclusion, rien n'est plus stupide que cette négation<br />

constante de la Providence dans l'Éthique. Tout reflète dans<br />

l'univers la volonté libre d'un ouvrier divin « qui a conformé<br />

son ouvrage au dessein qu'il avait ». D'où vient donc cette<br />

nécessité, cette servitude? « S'il y a un esclave, il y a un maître,..;<br />

le sujet de détermination n'est point sans un principe de déter<br />

mination (4). » Spinoza n'est pas un vrai philosophe, c'est un<br />

dangereux illusionniste « qui se joue de ses lecteurs par des<br />

expressions prises à contresens »; quant à ses disciples, « ils<br />

(1) Démonstralion de l'existence de Dieu (p. xxix).<br />

(2) Ibid., Préface, p. xxxn.<br />

(3) Ibid., p. xxxv.<br />

(4) Ibid., p. xxxvi.

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