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SPINOZA

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72 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

quelque chose de plus que dans la pierre de Spinoza et dans la<br />

girouette de M. Bayle (1). »<br />

Délaissons certains aspects rhétoriques de La Placette qui<br />

sentent parfois leur pasteur; son petit traité n'en paraît pas<br />

moins original et important dans l'histoire des idées. Alors que<br />

Spinoza nie en fait la liberté en l'assimilant à une nécessité<br />

comprise, alors que Bayle montre le caractère purement théo<br />

logique de l'exigence morale de la liberté, La Placette renonce<br />

à prouver rationnellement le libre arbitre. Concession fort<br />

grave que les théologiens catholiques n'accepteront pas si vite.<br />

Mais dans la mesure où il laïcise le problème en se refusant à<br />

voir dans la liberté une pure notion théologique, par-delà le<br />

rationalisme intellectualiste que lui lègue son temps, il annonce<br />

déjà la solution kantienne d'une liberté qui serait un postulat<br />

de la raison pratique; dans la mesure où il refuse de laisser encer<br />

cler l'homme par la nécessité, il préfigure, bien que très maladroi<br />

tement, les analyses biraniennes. Encore une fois, Spinoza impose<br />

aux esprits de son temps, par l'inquiétude qu'il fait germer en<br />

eux à la rencontre des deux siècles, une vigoureuse et féconde<br />

prise de conscience.<br />

Mais le spinozisme, pour reprendre l'image de La Placette,<br />

n'est pas seulement une eau corrosive. Spinoza, certes, a fait<br />

merveille dans le protestantisme; avant Bayle et peut-être avec<br />

plus de vigueur, il a su ronger les rouilles de la scolastique et<br />

forcer les esprits à user de leur propre métal. Les mystiques se<br />

sont vus interdire les accès de la raison, les intellectualistes se<br />

sont vus livrés à leurs propres contradictions. Foi et raison appa<br />

raissent désormais comme deux domaines incompatibles, même<br />

s'ils délouchent,<br />

comme le laissent entrevoir le quinzième cha<br />

pitre du Tractatus (2) et la dernière partie de l'Éthique, sur la<br />

même réalité divine. Mais la pensée spinoziste pénètre plus avant.<br />

Certains esprits libéraux ou aventureux du protestantisme fran<br />

çais, sans se laisser conquérir et sans accepter ouvertement une<br />

filiation jugée dégradante, ne dédaignent pas d'utiliser telle<br />

thèse essentielle de YÉthique ou de reprendre à leur compte telle<br />

analyse audacieuse du Tractatus. Bayle était de ces ramasseurs<br />

de miettes. A ce même banquet, séduits par des mets divers,<br />

(1) Éclaircissements (p. 330).<br />

(2) Appuhn, t. II, p. 280 : « Où il est démontré que ni la théologie n'est<br />

1 a servante de la raison, ni la raison de la théologie. »

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