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« LE TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE » 213<br />
bien montré que la diffusion en a été minime et fort tardive (1).<br />
Spinoza vient donc à son heure, au moment où le scepticisme<br />
libertin ne suffit plus à « ces esprits doctes et curieux » dont<br />
parle Bossuet dans son sermon sur la Divinité de la religion,<br />
où la décence classique répudie les fanfarons du libertinage<br />
et les impiétés naïves de Théophile de Viau, où plus de vingt<br />
ans de cartésianisme imposent un rationalisme constructeur.<br />
L'âge des négateurs est fini. Dans cette marche à l'esprit philo<br />
sophique qui triomphera au siècle suivant, Spinoza est le pre<br />
mier à ne pas se contenter de ruines.<br />
Mais quelle fut cette influence? « Spinoza, a dit M. Lanson,<br />
a eu une influence limitée, bornée à une élite peu nombreuse<br />
et difficile à saisir. Sa doctrine n'a rien de populaire (2). » Ceci<br />
est vrai des Opéra Posthuma et notamment de l'Éthique, dont<br />
nous verrons plus tard le retentissement. Mais rien n'est moins<br />
vrai pour le Tractatus, dont les traductions fort courantes de<br />
Saint-Glain vulgarisent le contenu, et dont la lecture est autre<br />
ment plus facile que le moindre ouvrage de Richard Simon ou<br />
de Huet. Diffusion limitée? Mais des prélats comme Bossuet,<br />
Fénelon, Mgr de Sillery, évêque de Soissons, Massillon, François<br />
Hébert évêque d'Agen (3), ont eu le Tractatus entre leurs mains,<br />
ainsi que des érudits comme Richard Simon, Ellies Du Pin,<br />
Huet, Faydit, Justel, Coulau, directeur de la Mazarine, Jean-<br />
Pierre Bignon, président de l'Académie des Sciences, un simple<br />
curé comme Hideux, des philosophes comme Malebranche, Henri<br />
Lélevel, Régis, des apologètes comme François Lamy et Michel<br />
des académiciens comme les Perrault et l'abbé Gal<br />
Le Vassor,<br />
lois,<br />
des libertins sans doute comme Fontenelle et le médecin<br />
Bourdelot, sans parler de ceux qui comme Arnauld, Yvon, Ja<br />
quelot, Poiret et Abbadie vivent à l'étranger et disposent d'autres<br />
sources d'information. Certes, il s'agit d'une élite, mais en est-il<br />
autrement à l'époque pour tout ouvrage sérieux? Nous pour<br />
rions tout aussi bien nier l'influence du Discours sur l'Histoire<br />
universelle ou du Traité des vraies et fausses idées. Ce sont tous des<br />
adversaires de Spinoza et Fontenelle même n'osera prononcer<br />
son nom. Mais peut-il en être autrement entre 1670 et 1715,<br />
(1) R. H. L. (1937). Ce lourd manuscrit latin, qui ne fut probablement<br />
n°<br />
jamais imprimé (B. N., fonds latin 9.324) dans sa pensée peu vivante,<br />
ignore Descartes et Galilée et reflète l'esprit de la Renaissance. Mais<br />
M. St. Spink ne croit pas à une diffusion antérieure au début du xvme siècle.<br />
(2) Revue des Cours et Conférences (24 décembre 1908, p. 363).<br />
(3) Catalogue de la bibliothèque de Mgr d'Agen (Agen, 1729, s. n. d'éditeur,<br />
Bibliothèque municipale de Bordeaux, n° H. 19.118). Le Tractatus (Ham<br />
bourg, 1670) est signalé page 14.