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SPINOZA

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168 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

qu'elle conduit à l'intelligence (1). » Elle n'est en somme qu'un<br />

état transitoire dont la valeur relative n'est due qu'à la faiblesse<br />

de notre esprit, non à la nature de l'objet à connaître. « Il y a<br />

des vérités de foi et des vérités de raison non pas à l'intérieur du<br />

monde intelligible mais dans la représentation que l'homme s'en<br />

fait (3). » Dès lors, pourquoi se reposer sur des faits extraordi<br />

naires qui semblent désavouer les lois naturelles et échapper à<br />

la raison? La foi de Malebranche aime le calme de la satisfaction<br />

rationnelle. Son Dieu n'est pas un être arbitraire et capricieux,<br />

mais l'Être parfaitement libre qui « n'agit que pour sa gloire (2) »<br />

et suit l'ordre admirable qu'il a créé par la nécessité éternelle de<br />

sa nature. Ses élans mystiques sont ceux d'un mathématicien :<br />

« 0, mon unique Maître! J'avais cru jusqu'à présent que les<br />

effets miraculeux étaient plus dignes de votre Père que les<br />

effets ordinaires et naturels. Mais je comprends présentement<br />

que la puissance et la sagesse de Dieu paraissent davantage, à<br />

l'égard de ceux qui y pensent bien, dans les effets les plus com<br />

muns que dans ceux qui frappent et qui étonnent à cause de leur<br />

nouveauté (4). » Le miracle semble donc une voie basse et indigne<br />

pour nous mener à Dieu. Malebranche va-t-il aller plus loin?<br />

La logique de sa pensée, sur ce point beaucoup plus conséquente<br />

que celle de Descartes, devrait conduire à une tentative d'expli<br />

cation naturelle, à la réduction complète du miracle.<br />

Or, plusieurs fois, dans le Traité de la nature et de la grâce (1680),<br />

puis dans les Méditations chrétiennes (1683), avec quelques allu<br />

sions brèves mais impératives dont Bayle se réclamera, nous<br />

croyons le pas franchi. Dieu est incapable de volontés particu<br />

lières, de caprices contraires à l'ordre naturel. Si un événement,<br />

pluie, soleil ou grêle, semble anormal, s'il naît un enfant à deux<br />

têtes ou un veau à cinq pattes, ce sont en réalité des suites néces<br />

saires de la loi de « communication des mouvements ». L'erreur<br />

commune consiste donc, non dans la constatationde tel fait étrange,<br />

mais dans son explication par le vulgaire, qui voit là l'effet d'une<br />

volonté particulière, une intention d'édification ou de châtiment.<br />

Ce sont des explications anthropologiques qui faussent la nature<br />

de Dieu, flattent l'amour-propre humain et « s'accommodent<br />

fort bien de l'ignorance où nous sommes de la combinaison des<br />

(1) Traité de morale (p. 20).<br />

(2) Henri Gouhieh, La Vocation de Malebranche (Vrin, 1926, p. 150).<br />

(3) Traité de la nature et de la grâce (Amsterdam, Elzévir, 1680, édit.<br />

Genoude, p. 297).<br />

(4) Méditations chrétiennes (Cologne, d'Egmont, 1683; édit. Genoude, ...<br />

p. 137).

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