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<strong>SPINOZA</strong> ET LE PROTESTANTISME FRANÇAIS 43<br />
du zèle ecclésiastique et cherche les remèdes capables « d'arrêter<br />
et d'extirper cette rongeante gangrène ». Enfin le synode de<br />
La Haye, tenu dès le 16 septembre 1676, demande avec instance<br />
aux églises de La Haye, Dordrecht, Utrecht et « Bréda, de s'in<br />
former soigneusement et de chercher en toute exactitude les<br />
lumières et les preuves nécessaires pour découvrir si (Spinoza)<br />
est l'autheur du livre impie intitulé Tractatus theologico-politicus<br />
et s'il débite les matières qui y sont contenues et qui depuis<br />
quelque temps a veu le jour (1) ». L'heure semblait venue pour<br />
les Français de Hollande de se mêler au chœur des réfutations.<br />
Il fallut pourtant attendre cinq ans, la mort de Spinoza, la<br />
parution de l'Éthique et surtout la traduction française du<br />
Tractatus pour que le silence fût enfin rompu. Ce précurseur d'une<br />
longue lignée s'appelait Pierre Yvon.<br />
Ce n'était ni un philosophe ni un érudit. Il avait même pour<br />
les spéculations rationnelles et pour les recherches d'histoire<br />
ee mépris inconscient des croyants que la vérité illumine du<br />
dedans et qu'une expérience religieuse intensément vécue dis<br />
pense de démonstration. L'expérience d'ailleurs était originale :<br />
Pierre Yvon était le disciple préféré du fameux agitateur Jean de<br />
Labadie et après la mort du maître à Altona en 1674 avait pris<br />
la direction spirituelle de la petite « église retirée du monde »; en<br />
1678, il s'était établi en Frise à Wiewert, puis après avoir épousé<br />
la châtelaine, une demoiselle de Sommelsdyck, il était devenu le<br />
seigneur du pays, cumulant à l'instar de Rome le spirituel et<br />
le temporel.<br />
Sa rencontre avec Spinoza avait été toute fortuite. Frais émoulu<br />
des écoles de Genève (2), il avait tout juste vingt ans lorsqu'il<br />
suivit en 1666 à Middelbourg le sillage aventureux de Labadie.<br />
Celui-ci prêchait un curieux millénarisme où l'homme régénéré,<br />
directement inspiré par l'Esprit Saint, en dehors de tout rite<br />
superstitieux et de tout symbolisme contestable, sans servitude<br />
à l'égard de l'Écriture,<br />
suivait la voie du salut dans une nouvelle<br />
alliance avec Dieu. En 1669, le synode de Dordrecht avait eu<br />
(1) Livre synodal..., t. I, p. 759 (cité par Freudenthal, op. cit., p. 154),<br />
(2) Cf. Haag, La France protestante (1 édit., Paris, Cherbuliez, 1859,<br />
t IX p. 552). Pierre Yvon était né à Montauban en 1646. Sa mère le menait<br />
dès l'âge de six ans aux sermons de Labadie qui exerça à Montauban les<br />
fonctions de pasteur, puis de recteur de l'Académie protestante jusqu'en<br />
1657.