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SPINOZA

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216 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

ses déboires avec les pasteurs, ses séjours à Morges et Lausanne<br />

et sa fin dans un obscur couvent de Savoie (1). L'essentiel est<br />

qu'en 1676 il manifeste une curieuse connaissance de Spinoza.<br />

M. Lanson fait observer que Foigny ne doit rien aux libertins,<br />

car l'Australien réfute vigoureusement l'atomisme, rien aux<br />

déistes anglais avec lesquels il n'est pas en contact et qui d'ail<br />

leurs à cette date n'ont rien écrit (2). Parler des mystiques<br />

allemands, Tauler et Maître Eckart —<br />

l'allemand —<br />

car Foigny connaissait<br />

est d'autant plus aventureux que le ton ratio<br />

naliste est constant. Reste Spinoza dont il faut bien se résoudre<br />

à constater l'influence sans pouvoir préciser par quels moyens<br />

et quelles voies elle s'est exercée (3). Un an plus tard, en 1677,<br />

Denis Vairasse d'Alès faisait paraître à Paris chez Barbin la<br />

première partie de l'Histoire des Sévarambes. Dans le même<br />

décor des terres australes, il nous peignait les ravages de la<br />

superstition. Un peuple crédule est soumis à une fausse religion<br />

imposée par l'imposteur Omigas. « Par diverses ruses et plu<br />

sieurs faux miracles (4) », par des secrets de médecine, il obtient<br />

l'obéissance aveugle de la populace. Comme Moïse, il fait sourdre<br />

des sources « en frappant du pied contre les rochers (5) »; il<br />

guérit les infirmes comme le Christ, mais « en subornant des<br />

gens qui contrefesoient les aveugles et les boiteux (6) »; il annonce<br />

comme les prophètes juifs les calamités et les sécheresses. A sa<br />

mort, des apôtres répandent son renom et des oracles perpétuent<br />

sa voix. Dès lors, l'esprit libre est pourchassé : « Il valait mieux<br />

se taire que de s'opposer à des abus autorisés par le temps, la<br />

coutume et le faux prodige (7) ». Violente parodie du christia<br />

nisme, l'histoire d'Omigas nous éloigne de Spinoza qui n'abor<br />

dait qu'avec répugnance le thème de la fraude pieuse. C'est un<br />

message de haine qui fait penser au traité des Trois Imposteurs<br />

plutôt qu'une critique sérieuse de la révélation; la réduction<br />

du miracle est schématique, brutale, et ne s'appuie sur aucune<br />

métaphysique. Mais à cette religion barbare des Australiens<br />

s'oppose le déisme des Sévarambes. Le dieu de Sévaras, leur<br />

chef (lisez Vairasse), a deux hypostases, le soleil et la déesse de<br />

la patrie, mais lui-même est « un dieu souverain, indépendant<br />

(1) Cf. Lachèvre, op. cil. (p. 1-60).<br />

(2 R. C. C. (2 avril 1908, p. 147).<br />

(3J « Foigny s'inspire très probablement directement de Spinoza », déclare<br />

M. Gilbert Chinard (L'Amérique et le rêve exotique dans la littérature fran<br />

çaise au 17' et 18' siècle), cité par Lachèvre, op. cit. (p. 115).<br />

(4) Lachèvre, ibid. (p. 179).<br />

5 Ibid., p. 192.<br />

(6 Ibid., p. 180.<br />

(7 Ibid., p. 187.

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