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SPINOZA

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BAYLE ET BOULAINVILLER 309<br />

Il ne s'agit pas là d'un spicilège ordinaire, comparable aux<br />

miettes laissées par Montesquieu : le tome II contient une ana<br />

lyse serrée, sur deux cents feuillets, du Traité de Spinoza, réac<br />

tion d'un homme intelligent et libéral, mais qui reste sensible<br />

encore à tout le poids d'une tradition. Cette analyse cependant<br />

se borne aux six premiers chapitres, c'est-à-dire au tiers de<br />

l'ouvrage,<br />

soit qu'effectivement les embarras domestiques aient<br />

arrêté son étude, soit qu'un manque de compétence l'ait honnê<br />

tement gêné; le septième chapitre en effet, qui suit les pages<br />

fameuses sur le miracle,<br />

exige une certaine connaissance de la<br />

critique scripturaire et Boulainviller, qui cherchait encore en 1704<br />

une grammaire hébraïque, a dû comme Bayle à la même époque<br />

hésiter devant l'érudition requise en la matière. Enfin les quatre<br />

derniers chapitres, purement politiques, devaient éveiller trop<br />

de résonances chez le futur historien pour déclencher une réfu<br />

tation hâtive. En 1694-1695, c'est donc l'aspect proprement<br />

théologique du Tractatus qui attire son intérêt.<br />

Traduisant le texte latin, il le résume et l'analyse avec net<br />

teté, puis passe à la réfutation : sa méthode, fort scolaire, mais<br />

efficace, ne variera pas. Ce qui nous frappe dès l'abord, c'est<br />

le caractère traditionaliste de sa réaction. A propos de la préface<br />

du Tractatus, d'ailleurs assez violente, les deux thèses se heurtent.<br />

Spinoza veut-il opposer la religion et la philosophie, la foi et la<br />

lumière naturelle (1), veut-il montrer la raison méprisée et<br />

condamnée « comme une source d'impiété, la crédulité prise<br />

pour la foi (2) », la superstition engendrant les émeutes et la<br />

guerre? Boulainviller sagement distinguera la foi de la crédu<br />

lité : « La première est l'effet très parfait de la soumission que<br />

l'homme doit à la révélation divine; la seconde est l'effet de<br />

la faiblesse et de la timidité de la chair (3) », sans se demander<br />

si cette soumission très parfaite est humainement possible et<br />

laquelle des deux sources de la religion est socialement la plus<br />

forte. Mais au cours des chapitres,<br />

l'opposition devient plus<br />

rude. L'interprétation<br />

philosophique de la personne du Christ<br />

le scandalise (4) : « Tout homme portant le nom de chrétien<br />

sera indigné de l'expression de Spinoza touchant Jésus-Christ,<br />

chez Renée Simon (op. cit., t. II, p. 16 et 30 sq.). Nous reviendrons ulté<br />

y<br />

mj„„-<br />

rieurement. ...<br />

,<br />

p. 13. (■ J'ai acquis l'entière conviction que 1 ten<br />

(1) Cf. Appuhn, t. II,<br />

ture laisse la raison absolument libre et n'a rien de commun avec la philoso<br />

ena-<br />

phie, mais que l'une et l'autre se maintiennent par une force propre a<br />

cune. »)<br />

(2) Ibid., p. 11.<br />

3 Ms. B. N., 58 v» (cf. Simon, op. cit., p. 462).<br />

(4) Cf. Appuhn, p. 28 et 29.

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