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SPINOZA

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Ï86 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

naturelle ou même à une prédiction infaillible d'événements<br />

futurs naturellement imprévisibles (1). Entre simple inspiration<br />

difficilement contrôlable et exacte prédiction, la distance est<br />

grande, permettant et autorisant de nombreuses controverses. Les<br />

théologiens du xvne siècle n'y ont pas échappé et Spinoza, en<br />

posant le problème de la valeur et de la validité d'une connais<br />

sance révélée, donc surnaturelle, les a forcés à préciser leur<br />

doctrine (2).<br />

Or, le point était d'importance. Alors qu'un miracle se discute<br />

«t que l'on peut contester l'exactitude du fait, ou la véracité<br />

du narrateur, on ne peut discuter une prophétie qui se réalise.<br />

Lorsque de grands événements historiques comme la destruc<br />

tion du Temple de Jérusalem ou la suprématie romaine, de<br />

grands événements religieux comme l'arrivée de Jésus ou la<br />

conversion des Gentils ne sont trouvés annoncés des siècles<br />

auparavant, l'homme de mauvaise foi se tait et admire. Sans<br />

la prophétie, le Nouveau Testament se détache de l'Ancien, la<br />

vocation chrétienne de la vocation des Hébreux, la Jérusalem<br />

•céleste de la Jérusalem terrestre et la venue de Jésus apparaît<br />

comme un fait isolé, inexplicable, terriblement contingent dans<br />

la vaste histoire du monde qui mène d'Adam jusqu'à nous.<br />

L'apologétique chrétienne n'avait donc jamais cessé de renforcer<br />

ce lien, de préciser de nouvelles analogies, d'éclaircir les obscu<br />

rités. Deux écoles se faisaient jour; les réalistes se contentaient<br />

de quelques prophéties éclatantes comme celle d'Isaïe annon<br />

çant le règne de Jésus, fils de la Vierge, ou celle de Daniel dite<br />

des « soixante-dix semaines », datant avec exactitude l'arrivée<br />

du Messie; d'autres au contraire, fidèles au Pugio fidei compilé<br />

avec des documents judaïques au xme siècle par le dominicain<br />

Martini, donnaient une interprétation totale de l'Écriture fondée<br />

sur le symbolisme (3) : à côté d'un sens « charnel » se développait<br />

un sens spirituel accessible aux seuls chrétiens. Or, lorsqu'en<br />

1670, Spinoza prit position, la controverse était à son comble<br />

dans le monde chrétien, en l'absence de toute décision orthodoxe.<br />

De même que chez les docteurs juifs, la méthode historique de<br />

Rabbi ben Ezra s'était opposée au symbolisme de Maïmonide,<br />

(1) C'est la définition de saint Thomas d'Aquin : « divina inspiratio,<br />

rerum eventus immobili veritate denuntians » (cf. sur ce point Dictionnaire<br />

de théologie catholique, Letouzey, Paris, 1936, t. XIII, p. 708).<br />

(2) Elle ne l'a été que par le dernier concile du Vatican qui revient à la<br />

définition restreinte du thomisme : la prophétie est prévision de l'avenir<br />

et non manifestation de toute vérité révélée.<br />

(3) L'ouvrage venait d'être édité et commenté par l'hébralsant bordelais<br />

Joseph de Voisin en 1654 (cf. Fortunat Strowski, Pascal et son temps, t. III,<br />

,p. 259-288).

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