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SPINOZA

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142 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

Tous ceux qui ont rédigé l'Écriture, à quelque date que ce soit,<br />

ont été des hommes inspirés de Dieu et qu'ils en aient ou non<br />

porté le nom, de véritables prophètes. Qu'ils aient écrit sous la<br />

dictée de Moïse ou sous leur propre inspiration, qu'ils aient rema<br />

nié de vieux textes, soudé des chroniques de provenance diverse,<br />

concilié ou découpé, toutes ces réformations gardent leur valeur,<br />

leur prix, leur caractère sacré. Que le dernier compilateur ait été<br />

Esdras ou que les Pharisiens du second temple aient mis la<br />

dernière main au texte, leur autorité demeure la même (1). Pour<br />

l'excellent catholique qu'est Richard Simon, ce terme d'autorité<br />

semble décisif. Tous les livres reconnus par la Grande Synagogue<br />

sont divins, car la synagogue avait en matière de foi dans le<br />

monde juif l'autorité des conciles généraux dans le monde<br />

chrétien. Et même les livres apocryphes non reconnus par les<br />

Juifs sont divins « lorsque l'Église les a reconnus pour divins<br />

et authentiques (2) ». C'est ainsi que par une curieuse doctrine<br />

de l'inspiration et de l'infaillibilité, Richard Simon espère se<br />

tirer d'affaire; c'est par là qu'il croit pouvoir éluder les consé<br />

quences impies de la méthode spinoziste et désarmer les préven<br />

tions des orthodoxes. Moins prudent que Descartes, il aura<br />

moins de chance : car ce n'est pas l'indulgence d'un Père Mer-<br />

senne qui l'attend, mais les foudres de Bossuet.<br />

C'est le jeudi saint 1678 que Bossuet eut par hasard connais<br />

sance de la table des matières de l'Histoire critique (3). Scandalisé<br />

par le titre du chapitre V, il agit aussitôt auprès du chancelier<br />

Le Tellier. Le 15 juin 1678, un arrêt du Conseil d'En Haut signé<br />

Colbert supprimait cet « amas d'impiétés » et ce « rempart de<br />

libertinage ». Le lieutenant de police La Reynie faisait détruire<br />

les treize cents exemplaires de l'édition originale. Devançant<br />

l'arrêt, le Conseil de l'Ordre de l'Oratoire excluait le 21 mai<br />

1678 de la communauté le dangereux moliniste. Une telle<br />

avalanche aurait pu abattre beaucoup de bons esprits : le Nor<br />

mand fit front. Dès lors commençaient pour lui vingt années<br />

de luttes, menées avec d'autant plus de courage qu'il ne défen<br />

dait plus seulement sa conscience de chercheur, mais aussi sa<br />

foi catholique mise en doute.<br />

(1)<br />

de prophètes, pourvu qu'ils en aient eu la même autorité » (p. 55).<br />

(2) Ibid., p. 56.<br />

(3) Cf. Margival, op. cit. (p. 89 et 90), et le récit de l'affaire par Simon<br />

lui-même dans sa lettre au Père Du Breuil de l'Oratoire de février 1679<br />

« Il importe fort peu que ces derniers écrivains n'aient pas eu le nom<br />

(cf. Bibliothèque critique, t. IV, p. 61 sq., Amsterdam, De Lormes, 1708-1710).<br />

L'érudit Orléanais Toinard surprit un exemplaire du prospectus destine<br />

aux libraires et le communiqua à l'abbé Eusèbe ami Renaudot, de Bossuet<br />

et membre de son « petit concile ».

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