28.06.2013 Views

SPINOZA

SPINOZA

SPINOZA

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

54<br />

<strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

sa préface : Spinoza par une fraude consciente prend tous les<br />

mots dans une acception contraire au sens commun. On ne peut<br />

croire avec Spinoza que tous les hommes se trompent sur les<br />

notions de Dieu, de substance et de liberté (1). Plus curieux est<br />

son refus de la preuve ontologique qui, par un artifice verbal,<br />

est le début de tous les sophismes. Poiret, comme tous les mys<br />

tiques, est sensible à la réalité vivante de Dieu et ne saurait<br />

enfermer sa personne dans l'insidieuse transition de l'essence<br />

à ^existence (2). Enfin, il revient avec lourdeur sur la notion<br />

d'infini dont il précise d'abord le contenu : « Collectio omnium<br />

infinitorum in suo génère (3) », c'est-rà-rdire une somme et >non<br />

l'unité seule digne de Dieu, puis les conséquences : le Dieu mons<br />

trueux assimilé à l'univers. L'auteur ne cache plus sa lassitude<br />

'mais s'engage cependant dans la démonstration d'une Éthique<br />

revue et corrigée : une effroyable scolastique surgit alors où<br />

quelques préceptes cartésiens comme celui de la dualité de<br />

l'étendue et de la pensée émergent du chaos (4).<br />

En somme, l'essai de Poiret est un échec, mais un échec<br />

limité et qui comporte une leçon. Poiret, comme son prédécesseur<br />

Yvon, est en droit de refuser, au nom du sentiment intérieur,<br />

d'un sens immédiat de la réalité divine, les prétentions orgueil<br />

leuses des philosophes qui font de l'esprit la mesure de la vérité.<br />

Mais il n'a nullement le pouvoir de condamner la raison par la<br />

raison. Au lieu de s'en tenir à l'expérience psychologique et de<br />

raconter ses visions, il combat maladroitement en terrain ennemi.<br />

La Bourrignon, qui n'avait pas fait sa théologie,<br />

ne commettait<br />

pas de ces erreurs. Cependant, aux détours de ce livre -illisible,<br />

souvent quelque argument original apparaît que des générations<br />

rde réfutateurs reprendront pieusement. Mais surtout, Poiret<br />

-est le premier Français à aborder courageusement l'É&ique,<br />

alors que ses contemporains craignent d'en pénétrer les ténèbres;<br />

il est même le seul à parcourir le Ve livre et à discuter la notion<br />

spinoziste du bonheur; avec un tact étonnant, il est allé à l'essen<br />

tiel. Il n'a pas senti — il a fallu deux siècles pour le comprendre<br />

— la parenté qui liait effectivement Spinoza aux penseurs mys<br />

tiques, sinon dans la démarche, du moins dans la vision finale;<br />

mais il a senti que la négation même du christianisme était<br />

11) Cogilaliones ralionales (p. 730).<br />

(2) Ibid., p. 732 : étude de la<br />

Ibid.. p. 732 : étude de la première définition de l'Éthique (• JJentends<br />

par cause de soi... ») où il oppose à Spinoza un sens beaucoup plus restreint<br />

do la « causa eui », à savoir

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!