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Psychiatrie Addictologie

Referentiel_2eme

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Sujets en situation de précarité<br />

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En pratique<br />

Mesurer la précarité<br />

Selon la définition de la précarité donnée par le Haut Comité de santé publique (HCSP), elle peut se manifester dans<br />

plusieurs domaines tels que le revenu, le logement, l’emploi, les diplômes, la protection sociale, les loisirs et la<br />

culture, la santé.<br />

C’est pourquoi, afin de mieux identifier les diverses populations en situation de précarité, plusieurs scores peuvent être<br />

utilisés en pratique. Un score individuel d’évaluation du niveau de précarité a été développé (score EPICES). Il permet<br />

la mesure multidimensionnelle de la précarité ou de la fragilité sociale pour permettre d’identifier une population plus<br />

à risque de problèmes de santé.<br />

Un autre indicateur de précarité repose sur la définition socio-administrative de la précarité, et regroupe les catégories<br />

suivantes : les chômeurs, les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) ou de la Couverture maladie universelle<br />

(CMU) ou d’un Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), les personnes sans domicile fixe et les jeunes<br />

de 16-25 ans exclus du milieu scolaire et engagés dans un processus d’insertion professionnelle. La précarité définie<br />

selon ces critères semble toutefois moins fortement liée aux indicateurs d’accès aux soins et de santé, que la précarité<br />

définie selon le score EPICES.<br />

Le syndrome d’auto-exclusion<br />

Le syndrome d’auto-exclusion a été décrit pour aborder la sémiologie psychiatrique spécifique des personnes en situation<br />

de précarité. Ce syndrome ne fait pas partie spécifiquement des nosographies internationales. On retrouve cependant<br />

dans le DSM-5 un certain nombre de « situations pouvant faire l’objet d’un examen clinique », dont « l’exclusion<br />

ou le rejet social » fait partie.<br />

Le syndrome d’auto-exclusion a particulièrement été décrit par les travaux de l’Observatoire national des pratiques en<br />

santé mentale et précarité (http://www.orspere.fr/presentation-de-l-onsmp-orspere-1/)<br />

La description de ce syndrome permet de mieux comprendre l’expérience vécue très particulière des personnes en situation<br />

de précarité.<br />

Ainsi en situation de précarité, un sujet va passer d’une logique de vie, à une logique de survie (ou de survivance).<br />

L’ensemble des éléments qui consiste en la santé, c’est-à-dire la capacité « de réaliser ses aspirations et de satisfaire<br />

ses besoins » (cf. Item 01) disparaît au profit d’un sentiment de découragement global. Le sujet a l’impression<br />

de ne plus pouvoir réaliser aucune de ses aspirations, la notion d’aspiration finira même par disparaître, un peu<br />

comme si le sujet se « déshabitait » de lui-même, tendant à aggraver par un cercle vicieux la situation d’isolement<br />

et donc de précarité.<br />

Les symptômes cliniques de ce processus sont : une anesthésie corporelle (le sujet sent moins son corps) et un émoussement<br />

affectif (le sujet sent moins ses émotions) associés à une inhibition intellectuelle (le sujet semble ne plus se<br />

penser ou penser sa situation).<br />

Cette sémiologie spécifique permet de comprendre des éléments que le clinicien doit savoir manier pour ne pas limiter<br />

l’accès aux soins de ces personnes en situation de précarité. Le premier élément est que plus une personne va mal,<br />

moins elle sera en capacité de demander de l’aide, que ce soit sur le plan social, médical ou psychique. Dans cette<br />

situation une « non-demande » ou un « refus de demande » ne devra pas être interprété trop rapidement comme l’expression<br />

libre de la volonté d’autrui au risque d’exclure du soin un patient en grande souffrance. Le deuxième élément<br />

est que l’initiation des soins, avec le réchauffement si l’on peut dire de l’anesthésie corporelle, de l’émoussement<br />

affectif et de l’inhibition intellectuelle, pourra paradoxalement s’accompagner au début d’une aggravation de la symptomatologie<br />

car le retour à la vie et à la prise de conscience de la situation de précarité peut s’avérer très douloureuse.<br />

Le syndrome d’auto exclusion ne doit pas être considéré comme un diagnostic différentiel d’un trouble dépressif caractérisé<br />

ou d’une schizophrénie. Il doit permettre de mieux comprendre la clinique des patients en situation de précarité,<br />

de mieux traiter les troubles psychiatriques et non-psychiatriques fréquemment présents chez ces sujets, afin de leur<br />

redonner la santé et ainsi la possibilité de réaliser ses aspirations propres.<br />

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