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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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chancelait, glissait, et sa fragilité tranchait avec la démarche<br />

puissante des guerriers couverts de bronze. Chaque fois qu’elle<br />

tombait, elle mettait ses mains en avant pour protéger son<br />

ventre, et se blessait sur les pierres pointues. Le chemin était<br />

encore long et difficile.<br />

Les nuages se rapprochaient. Je me demandais quel effet<br />

cela ferait de les toucher, moi qui étais habituée depuis l’enfance<br />

à les regarder courir, petits et blancs, dans le ciel. Soudain, le<br />

sentier vira à gauche, et je vis défiler devant moi la colonne.<br />

Non loin de moi se trouvait la masse imposante de Cléanor,<br />

suivi de son cheval, de ses deux aides de camp et de deux mulets<br />

marchant l’un devant l’autre. Ils portaient sur des perches un<br />

palanquin de fortune recouvert de peaux tannées, un abri fort<br />

enviable dans ces conditions misérables.<br />

Quel trésor renfermait cette chaise qui avançait en oscillant<br />

au pas des mulets ? Nul doute, il ne pouvait s’agir que de<br />

Mélissa.<br />

Au même moment, j’entendis un cri. Un groupe de<br />

Cardouques se jetait sur notre avant-garde. Aussitôt les<br />

trompettes sonnèrent l’alarme et les guerriers se précipitèrent<br />

vers la tête de la colonne, non sans peiner sur la pente glissante.<br />

La charge des assaillants s’abattit contre leurs boucliers, se brisa<br />

sur leurs lances, et nombre d’indigènes tombèrent au premier<br />

choc. Les autres furent encerclés par nos attaquants et<br />

massacrés. La marche reprit sous la pluie battante.<br />

Je passai moi aussi à côté des victimes : elles gisaient sur la<br />

terre et entre les rochers. La plupart étaient entassées le long de<br />

la même ligne, les autres plus haut, tuées alors qu’elles tentaient<br />

de s’enfuir. Ces hommes hirsutes étaient vêtus de laine<br />

grossière, de bottes en cuir non tanné, et leurs seules armes<br />

étaient de grands couteaux semblables à ceux des bouchers. De<br />

pauvres gens qui défendaient leur terre et leurs familles contre<br />

des guerriers invincibles. Il leur avait fallu bien du courage pour<br />

attaquer ces êtres de bronze et de fer, sans visage, créatures<br />

chimériques engendrées par une semence qui n’avait rien<br />

d’humain. J’imaginais les pleurs des veuves et des orphelins<br />

quand on ramènerait leurs dépouilles à leurs cabanes.<br />

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