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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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Cet homme dégageait une forte odeur et le savait sans<br />

doute : il avait coutume de s’entretenir avec Cyrus à une<br />

distance opportune.<br />

Ménon de Thessalie le fréquentait, il se rendait souvent dans<br />

le campement des Asiatiques. Xéno prétendait que les deux<br />

hommes avaient une liaison, bref qu’ils étaient amants.<br />

« Ménon couche avec un Barbare ! s’écriait-il. Tu te rends<br />

compte ! »<br />

Ce n’était pas le fait qu’il couchait avec un homme qui le<br />

scandalisait, mais le fait que cet homme était un Barbare. « Je<br />

suis barbare, moi aussi, m’exclamai-je, et pourtant tu couches<br />

avec moi et tu as l’air d’apprécier cela.<br />

— Ce n’est pas la même chose. Tu es une femme ! »<br />

Quelle incohérence ! pensais-je. Il me fallut un certain temps<br />

pour comprendre. Xéno et ses semblables trouvaient normal<br />

que deux hommes fassent l’amour. Mais ils devaient être tous<br />

deux grecs : coucher avec un Barbare était dégradant. Il accusait<br />

donc Ménon de faire l’amour avec un homme qui sentait<br />

mauvais, qui ne se lavait pas tous les jours, qui n’utilisait ni le<br />

strigile ni le rasoir. C’était, à ses yeux, une question de<br />

civilisation. Sans doute voulait-il signifier, par cette insinuation,<br />

que Ménon était la femme d’un être hirsute qui sentait le bouc.<br />

Il entendait souiller sa virilité parce qu’il devinait en lui un rival.<br />

Bien que Ménon fût le plus bel homme que j’eusse jamais vu<br />

de toute mon existence, je n’éprouvais aucune attirance pour lui<br />

– j’étais follement éprise de Xéno –, mais il m’intriguait, me<br />

fascinait ; j’aurais aimé lui parler et lui poser des questions. Ce<br />

monde d’hommes entraînés à tuer me troublait. En fin de<br />

compte, ils se ressemblaient tous. Voilà, peut-être, pourquoi<br />

certains d’entre eux couchaient ensemble. Le fait de partager un<br />

métier aussi horrible, un métier qui consiste à donner la mort,<br />

les distinguait des autres, me disais-je parfois, les rendait<br />

uniques, si bien qu’ils ne pouvaient tolérer dans leur lit un être<br />

qui eût anéanti leurs entreprises, une femme, par exemple, une<br />

femme capable d’engendrer la vie, au lieu de la mort.<br />

Mais ce n’était peut-être qu’une impression, le reflet de mes<br />

pensées. Tout était étrange, nouveau et différent pour moi. Et ce<br />

n’était que le début.<br />

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