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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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Je m’en gardai bien et je ne me retournai même pas en<br />

l’entendant se plaindre : « J’ai froid, j’ai les jambes gelées, je<br />

vais m’évanouir, je ne tiens pas debout… Au secours, à l’aide ! »<br />

Elle finit par se résigner. À la halte, je m’occupai d’elle,<br />

pressai sur sa paupière tuméfiée une poche de tissu remplie de<br />

neige.<br />

« Je suis horrible, plus personne ne voudra de moi.<br />

— Balivernes. Tu es magnifique. Avec la neige, ton œil<br />

désenflera vite. Un chirurgien me l’a appris. De plus, tu<br />

apprendras à te débrouiller seule, et cela te sera utile. Nous ne<br />

sommes pas sorties de ce pétrin.<br />

— Tu m’as fait mal.<br />

— Toi aussi. Nous sommes quittes. »<br />

Elle essuya ses yeux du revers de la main. Attendrie, je lui<br />

dis : « Regarde cette pauvre fille. Elle pourrait accoucher d’un<br />

instant à l’autre. Imagine-toi dans sa situation. Essaie de<br />

résister jusqu’à ce soir. Tu te reposeras ensuite. »<br />

Nous poursuivîmes notre marche. Tandis que le ciel<br />

s’assombrissait, le vent se leva, nous glaçant jusqu’aux os et<br />

gerçant nos lèvres. Nous avançâmes ainsi pendant plusieurs<br />

jours. De temps en temps, Lystra demandait à descendre pour<br />

laisser sa place à Mélissa, mais celle-ci, gênée, refusait la<br />

plupart du temps. Elle devenait une femme forte et digne de<br />

respect. Les autres filles aussi : elles ne se plaignaient pas,<br />

n’appelaient pas au secours, et quand l’une d’elles tombait ou<br />

avait un malaise, les autres lui prêtaient main-forte. Le soir,<br />

armées de fil et d’aiguilles, elles fabriquaient des bottes pour<br />

affronter la neige, reprisaient leurs vêtements et ceux de leurs<br />

compagnons. Le froid était de plus en plus pénible, les<br />

possibilités de se ravitailler se raréfiaient, les querelles se<br />

multipliaient, surtout entre les hommes.<br />

Désormais on se battait contre un ennemi implacable, un<br />

ennemi sans visage, mais doté d’une voix, la voix sifflante du<br />

vent et de la bourrasque : l’hiver.<br />

Nous franchîmes le premier des trois sommets que j’avais<br />

vus scintiller comme des diamants depuis la colline, au-delà du<br />

gué. Jamais je n’avais admiré montagne si imposante. De larges<br />

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