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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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sa férocité. Ce qu’il restait de notre armée devrait encore se<br />

battre contre l’empire du Grand Roi et la puissance de Sparte<br />

qui souhaitaient sa mort ou sa dispersion aux quatre coins du<br />

monde, si loin qu’elle ne pourrait jamais rentrer.<br />

Elle était censée vaincre ou disparaître, or elle avait à la fois<br />

vaincu et perdu et, contre toute attente, elle rentrait.<br />

Xéno prétendait que le printemps n’était pas loin. Il ne se<br />

trompait pas : j’en eus la preuve un matin glacial où je me levai<br />

pour ramasser de la neige qui nous servirait, une fois fondue, à<br />

boire et à nous laver. Il y avait là un bois dont les arbres avaient<br />

des troncs énormes et de grandes branches nues. Soudain, le<br />

soleil se leva, et des sons poignants retentirent. Je regagnai le<br />

campement à toute allure, puis compris que je n’avais rien à<br />

craindre. Je n’étais ni suivie, ni menacée. Je n’avais pas entendu<br />

de voix humaines.<br />

Mais des cris d’oiseaux.<br />

Je ne les connaissais qu’à travers les descriptions qu’en<br />

faisaient les voyageurs qui passaient dans nos villages. Je<br />

rebroussai chemin et fus abasourdie : il y en avait des dizaines<br />

sur les branches des grands arbres et d’autres sur le sol, pareils<br />

à des images peintes. Le cou des mâles était revêtu de plumes<br />

d’un bleu tirant sur l’or, tout comme leur queue, pareille à un<br />

manteau royal, ponctuée de grands yeux bronze et or. C’étaient<br />

des créatures d’une beauté et d’une élégance admirables, dont le<br />

cri était curieusement disgracieux et monotone.<br />

Je pensai que c’étaient nos camarades, tombés sur le champ<br />

de bataille et capturés par la tourmente, qui criaient leur<br />

désespoir d’être morts si jeunes. Puis je vis l’un d’eux soulever la<br />

queue et la déployer en un arc bleu, bronze, or et argent, et mon<br />

émotion fut telle que j’en eus les larmes aux yeux. Non, ce<br />

n’était pas un cri de mort, c’était une danse d’amour. Il s’agissait<br />

sans aucun doute d’oiseaux sacrés, qui annonçaient ainsi<br />

l’arrivée du printemps !<br />

Je fus confortée dans ma conviction : la nature n’offre pas<br />

tous ses dons à une seule créature. Le rossignol est petit et<br />

insignifiant, mais son chant est une mélodie poignante, le plus<br />

harmonieux que la nature ait jamais créé. Je me dis que tout<br />

devait être parfait dans le paradis terrestre, que, au début, les<br />

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