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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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— Je l’ignore. Je pensais que ma famille m’accueillerait, que,<br />

avec le temps, elle aurait oublié ce que j’avais fait. Je pensais<br />

que je demanderais pardon à mon fiancé et que j’essaierais de<br />

lui expliquer le motif de mon choix irrévocable, tout en sachant<br />

qu’il ne comprendrait pas. Ou peut-être venais-je sans le savoir<br />

à la rencontre de la mort, à la rencontre de ceux qui voulaient<br />

me tuer.<br />

— Ils ne t’ont pas tuée, dit mon amie Abisag.<br />

— Si. Parce que telle était leur intention. L’intention prime<br />

sur les actions. Le fait que je sois en vie est un pur hasard, une<br />

plaisanterie du destin et un don de votre bon cœur.<br />

— Abira, intervint Mermah, tu ne nous as pas dit ce qui te<br />

blessa aussi profondément quand Mélissa te lut les pages que<br />

Xéno avait écrites. Était-ce vraiment si terrible ? »<br />

Abira posa sur nous un regard pensif : peut-être se<br />

demandait-elle si elle avait le droit de révéler ce qui n’avait<br />

jamais été divulgué. Elle finit par répondre : « Deux choses… »<br />

Elle s’interrompit. Pensait-elle à Xéno ? Oui, certainement, car<br />

elle avait les yeux brillants.<br />

Le vent s’était de nouveau levé, il faisait vibrer les roseaux de<br />

la cabane, insinuait des frissons d’inquiétude sous nos<br />

vêtements tandis que le soir étendait ses mains de ténèbres sur<br />

les toits de Beth Qadà.<br />

« Deux choses…, reprit-elle. Premièrement, la façon dont il<br />

avait rappelé la mort du général Sophos :<br />

« Cheirisophos… était déjà mort d’une médecine qu’il avait<br />

prise dans un accès de fièvre 1.<br />

« C’est tout. Rien d’autre. Treize mots que je me rappelle un<br />

par un. Treize mots pour l’homme qui avait choisi d’obéir audelà<br />

de toute limite d’humanité à une mission épouvantable :<br />

conduire les Dix Mille vers le néant, mais en demeurant à leur<br />

tête, prêt à s’immoler le premier, à supporter toutes les<br />

souffrances et toutes les blessures, à subir tous les chagrins<br />

qu’un cœur humain peut subir, prêt à en être le général jusqu’au<br />

bout. L’homme qui avait fini par se rebeller et par accepter le<br />

1 L’Anabase, livre VI, chapitre IV, 11, traduction de Pierre Chambry,<br />

Flammarion, Paris, 1996.<br />

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