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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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superposaient à des gémissements, des appels, des quintes de<br />

toux. La voix de l’armée, cette voix à la fois unie et discordante,<br />

harmonieuse et dissonante, qu’on entendait de loin, prenait à<br />

présent des accents humains et animalesques. C’étaient des<br />

imprécations, des exclamations de colère, de peur, de<br />

mélancolie. Des cris bestiaux, le halètement des corps enlacés<br />

dans l’orgasme d’un amour qui confinait désormais avec la<br />

mort.<br />

Je regagnai ma tente, encore vide : Xéno veillait,<br />

s’employant avec les autres généraux à trouver une issue à cette<br />

situation inextricable, maintenant que notre longue marche<br />

semblait avoir atteint son épilogue.<br />

Il rentra, le visage sombre, découragé. Je compris aux<br />

quelques mots que je parvins à échanger avec lui que Sophos ne<br />

songeait plus à insuffler à ses soldats la volonté de vaincre, mais<br />

qu’il était enclin à les conduire vers une mort glorieuse.<br />

« Il faut que tu leur donnes l’espoir de la victoire, ou plutôt la<br />

certitude ! Tu es le général en chef, par Hercule ! lui avait crié<br />

Xéno.<br />

— Bien sûr, avait répondu Sophos. C’est ce que je ferai. »<br />

Mais les généraux étaient tous persuadés qu’il se préparait à<br />

la mort plutôt qu’à la victoire.<br />

Xéno se recroquevilla sur sa couche et attendit en silence le<br />

sommeil. Je restai à l’extérieur, assise sur une pierre.<br />

Un instant, j’eus l’impression de voir flotter un pan de tissu<br />

blanchâtre, le fantôme d’une silhouette incertaine, fuyante. Les<br />

morts venaient nous chercher…<br />

Or il se produisait pendant ce temps-là un événement<br />

imprévisible.<br />

Comme je l’appris plus tard, les deux officiers – l’un se<br />

nommait Amphicratès et l’autre Archagoras – qui avaient été<br />

entraînés par le courant s’étaient débattus de toutes leurs forces<br />

pour échapper aux eaux tourbillonnantes et aux énormes<br />

rochers qui se dressaient à chaque anse, provoquant de<br />

formidables turbulences. Plus d’une fois, ils avaient tenté de<br />

s’agripper l’un à l’autre, mais la force du courant les avait<br />

séparés, tandis que le poids de leurs armures les entraînait vers<br />

le fond. Ballottés de part et d’autre, ils se blessaient contre les<br />

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