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L'armee%20perdue%20-%20Valerio%20Manfredi.pdf

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abandonner le combat, on aurait dit que cela ne l’intéressait<br />

pas. Mais il observait la bataille qui s’achevait.<br />

Un moment encore on entendit les cris et le vacarme, puis ils<br />

s’atténuèrent avec le couchant pour cesser définitivement.<br />

Alors Sophos m’invita à gagner le sommet de la colline. Je le<br />

suivis. Le spectacle que nous découvrîmes me pétrifia d’horreur.<br />

Des cadavres d’hommes et de chevaux jonchaient le sol sur une<br />

immense distance. De nombreux animaux blessés ou estropiés<br />

se traînaient péniblement en soufflant de leurs naseaux<br />

ensanglantés. Au fond, on distinguait la poussière que soulevait<br />

l’armée en déroute.<br />

Des êtres humains méconnaissables erraient en chancelant<br />

au milieu de ce carnage. Soudain, le regard de Sophos et le mien<br />

se posèrent sur un point, exactement au centre de notre champ<br />

de vision. Il y avait là une silhouette dont l’immobilité paraissait<br />

irréelle. Mon compagnon grimaça, lui qui était toujours<br />

impassible, et s’achemina aussitôt dans cette direction en tenant<br />

son cheval par les rênes. Je lui emboîtai le pas sur la terre<br />

glissante, imprégnée de sang, dans une atmosphère fétide,<br />

répugnante.<br />

C’était Cyrus.<br />

Son corps nu était empalé sur un pieu qui ressortait dans le<br />

dos. Sa tête, presque détachée, pendait sur sa poitrine. Je<br />

poussai un cri d’horreur et de désespoir, pensant que Xéno avait<br />

péri lui aussi, qu’il gisait parmi les innombrables cadavres.<br />

Sophos se retourna et m’ordonna : « Tais-toi ! »<br />

Il ne voulait pas m’humilier : il avait entendu du bruit du<br />

côté de l’Euphrate. Des hommes avançaient… en chantant !<br />

« Ce sont les nôtres, dit-il.<br />

— Les nôtres ? Comment est-ce possible ?<br />

— Ils ont poursuivi l’aile gauche de l’ennemi pendant toute la<br />

journée et ils rentrent à présent. Ménon se trouvait en avantgarde.<br />

Ton cher Xénophon est sûrement parmi eux… s’il est<br />

encore en vie.<br />

— Pourquoi chantent-ils ? »<br />

Maintenant, on voyait un nuage rouge s’élever près du<br />

fleuve.<br />

« Ils chantent le péan. Ils croient avoir gagné. »<br />

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