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40 LA DIPHTÉRIE
appelé Courchamps. C'était en juin, par une belle après-
midi. Nous trouvâmes notre malade, un homme âgé de
cinquante-neuf ans, assis sur un banc à sa porte. Le
malheureux avait la figure bouffie, le teint plombé,
d'énormes ganglions cervicaux, un jetage abondant des
fosses nasales, la gorge tapissée de fausses membranes
noirâtres, l'haleine très fétide, la voix éteinte, de la
bronchite pseudo-membraneuse. Le pouls était petit et
misérable, la prostration extrême, le malade titubait en
marchant. Il mourut dans la nuit. Or, le médecin habi­
tait le pays depuis dix-huit ans II n y avait jamais vu de
diphtérie, mais savait seulement que, quelques années
avant son arrivée, elle avait existé à l'état épidcmique et
avait fait beaucoup de victimes Moi-même, je n'en con­
naissais aucun cas actuel. Nous nous livrâmes, mon
confrère et moi, à une enquête, de laquelle il résulta
que, ni avant, ni longtemps après, il n'y eut de diphtérie
dans un rayon de plusieurs lieues Cet homme n avait
fait aucun déplacement depuis longtemps, n'avait rien
reçu pouvant lui amener la contagion. Il était garde
champêtre, mais, déplus, il était fossoyeur, et, six jours
avant sa mort, il avait creusé une fosse au cimetière.
Ce n'est pas tout, ce fait eut un épilogue aussi extra­
ordinaire. Huit ans après, à la même époque de l'année,
je fus appelé au même village et dans la même maison.
On me montra un enfant de cinq ans, mourant d'un
croup toxique, et dans un autre lit, le cadavre de son
frère, âgé de sept ans, mort le matin. Il y avait bien
quelques cas de diphtérie à Saumur et au voisinage,