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ÉPIDÉMIE DE DIPHTÉRIE 55
ils se les précipitaient même dans l'estomac avec l'im­
patience de la contrainte ; le difficile était d'arriver là.
Ce que j'ai passé de temps prés des malades qui me
paraissent en voie de guérison, à les supplier d'essayer
au moins de prendre ce qu'on leur présentait! Ce qu'il
fallait dépenser d'énergie dans celte lutte contre les
petits, qu'on finissait par ligoter, afin de leur entonner
positivement ce qu on pouvait avec la cuiller, l'entonnoir
et la sonde œsophagienne! 11 arrivait que le patient
interrompait tout à coup ces exercices et se mettait à
avaler seul, ce qu'il faisait très bien, et, qui plus est, il
semblait le digérer. En un mot, c'est l'horreur de la faim
remplaçant son instinct. On se laisse mourir.
Je me rappelle un,jeune garçon de douze ans auquel
je m'intéressais beaucoup. Il était au dix-huitième jour.
n'avait rien à la gorge, guérie depuis quelque temps, je
combattais avec lui pour l'alimentation. 11 se levait en­
core, mais avait le teint d'une pâleur anémique parti­
culière, et refusait obstinément tout ce qu'on lui offrait.
Le curé de Restigné assistait à ma visite et me dit en
sortant : « Mais enfin, il est guéri! » — Guéri! lui dis-je,
dans deux ou trois jours au plus, il sera mort! » Il
mourut le lendemain.
Ce que j'essaye de faire comprendre sur le rôle que
joua dans la mortalité de celte épidémie la dépression
des forces par l'absence du besoin de les réparer, je l'ai
moi-même éprouvé. J'avais reçu d'un de mes petits voi-