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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

Husserl ne peut se contenter de cette situation où le phénoménologue, s’étant privé de<br />

toute source de lumière (d’intelligibilité) n’aurait plus rien à voir. Pour qu’il y ait<br />

phénoménologie, il faut que le vécu soit aussi phénomène, c’est-à-dire qu’il apparaisse<br />

ou qu’il puisse être vu. La difficulté tient donc, comme le dit Richir, en ce que le<br />

phénoménologue doit faire coïncider en lui un regard et un non-regard : un non-regard<br />

qui laisse être les choses (les vécus) et un regard qui les décrive. Mais tout aussi<br />

paradoxale que soit cette situation, elle permet d’approcher le sens de la démarche<br />

phénoménologique telle que se le réappropriera Richir. Si Husserl en vient à formuler<br />

cette double exigence contradictoire, nous dit Richir, cela tient en fait au projet même<br />

de la phénoménologie dans ses racines. Car l’ « objet » de la phénoménologie, ce que<br />

Husserl vise en parlant du « vécu en tant que tel », n’est rien d’autre que le sens dans sa<br />

facticité, par quoi il faut entendre, non pas ce qui a le caractère d’un fait brut, mais peutêtre<br />

un peu par-delà Heidegger, un fait qui fait sens 13 . Et corrélativement, on peut dire<br />

que la phénoménologie consiste en l’accueil de cette même facticité. Accueil tout autant<br />

subtil que précaire, on l’aura compris, qui se doit de n’être le lieu d’aucun projet, et où<br />

s’il y a quelque chose à voir et à décrire, c’est le mouvement même du sens dans son<br />

apparaître, de telle manière que le phénomène comme phénomène du sens dans sa<br />

facticité soit toujours phénomène en sa phénoménalisation. Tel est tout simplement, à<br />

notre sens, le projet de la phénoménologie tel que le conçoit Richir à la suite de Husserl.<br />

***<br />

On s’aperçoit d’emblée de l’immensité des difficultés qui surgissent aussitôt que<br />

l’on s’attelle à la tâche que la phénoménologie s’est assignée à la suite de la<br />

philosophie. Et il faudra de nombreuses années à Richir pour pouvoir seulement<br />

formuler cette problématique et pouvoir ensuite l’élaborer. Dans le cadre de cette<br />

introduction, nous voudrions nous arrêter sur une étape décisive de cette réélaboration :<br />

il s’agit de la réapropriation de la troisième Critique kantienne. Même si cette<br />

réappropriation n’est pas inaugurale dans la pensée richirienne, il nous semble opportun<br />

de nous y arrêter dès à présent, car elle reste profondément éclairante pour tout qui veut<br />

13 L’usage richirien du terme de « facticité » est introduit dans les Méditations phénoménologiques.<br />

Notons ici que ce terme est plutôt à comprendre selon l’acception qu’en faisait Merleau-Ponty dans Le<br />

visible et l’invisible. Ou encore selon le sens inaugural qu’y voit Fichte.<br />

208 <strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com

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