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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

même mouvement, il faut aussi souligner « les épiphanies divines représentées de<br />

manière anthropomorphe » (ND, 70); ce qui montre que les dieux, bien que en un sens<br />

nous dépassant absolument, sont néanmoins ancrés dans nos affaires humaines; ainsi<br />

que l’écrit Longin dans un fort beau texte que cite Richir, « Homère a fait des hommes,<br />

des dieux, et des dieux, des hommes. Mais nous, dans notre malheur, il nous reste un<br />

refuge à nos maux; tandis que, pour les dieux, ce n’est pas tant leur nature que leur<br />

misère qu’Homère a faite éternelle » (in ND, 72). Autrement dit, il y a chez Homère une<br />

propension à représenter l’irreprésentable : les dieux nous dépassant absolument<br />

prennent la forme humaine, et dans ce mouvement même, « leur énigme commence à se<br />

poser en changeant de sens, c’est-à-dire en étant déliée de la fondation, pour paraître<br />

relever d’un autre monde » (ND, 72). Enfin, la rencontre du héros et de la divinité se<br />

fait en vertu du « caractère héroïque » qui n’a rien de « psychologique », « parce que ses<br />

traits sont précisément ce qui noue ensemble les intrigues divines aux intrigues<br />

héroïques» (ND, 73). Richir circonscrit ce caractère par trois vocables qu’il reprend à<br />

Eric Robertson Dodds 128 : l’âtè, « sorte d’erreur fatale mais irrésistible qui vous pousse<br />

à faire “cette chose qu’il ne faudrait pas faire” » ; le menos ou « mystérieux accès<br />

d’énergie »; le daimon ou « les possibles que le héros n’avait pas de lui-même mais<br />

d’un autre, d’un “quelque chose” qui les a “fait entrer subitement dans la tête” » (ND,<br />

74-75) 129 . Il y a en outre, toujours en vertu de ce « caractère héroïque », deux rencontres<br />

possibles des dieux : « la rencontre sublime, réussie, et qui porte à l’illimité, exaltée par<br />

le poète » (ND, 78); et le malencontre, où « le héros, littéralement hypnotisé par la<br />

divinité [...] en est l’agent plus ou moins aveugle, selon la courbe fatale de son destin,<br />

qui, de toute façon, le dépasse » (ND, 78). Signalons aussi, comme le remarque Richir,<br />

qu’il n’est presque pas question des hommes dans les épopées homériques :<br />

compagnons anonymes des héros, sans avoir droit à la parole, ils sont toujours relégués<br />

en deuxième plan (Cf ND, 78).<br />

128 Cf. E.R. Dodds, Les Grecs et l’Irrationnel, tr. fr. par M. Gibson, Paris, Aubier-Montaigne, 1965, chap.<br />

I.<br />

129 Notons que Stanislas Breton, commentant ces trois termes, faisait remarquer que l’on retrouve ces trois<br />

traits, “poétiques et platoniciens” dans la théologie chrétienne sous la rubrique “dons du Saint Esprit”. Cf.<br />

S. Breton, La naissance des dieux in L’animal politique, “Epokhè” n° 6, Ed. J. Millon, Grenoble, 1996, p.<br />

242.<br />

342 <strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com

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