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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

comme le seul philosophe : « même si sa démarche est profondément questionnante,<br />

même si, par là, elle reste toujours attentive à l’extrême complexité de la Sache selbst,<br />

Heidegger se pense toujours comme le seul à la pointe de la question, sa modestie est<br />

simulée ou rhétorique, il demeure toujours comme une sorte de Nietzsche qui aurait, lui,<br />

du moins, les moyens philosophiques de s’accomplir, jusque dans l’inaccomplissement<br />

même » (Ibid., p. 85). C’est ainsi que Heidegger a pu espérer en cette figure du<br />

philosophe malheureusement récurrente dans l’histoire : celle du « conseiller du<br />

prince », voire, pire, celle du « roi-philosophe ». Mais on connaît l’histoire : l’aventure<br />

syracusaine est dangereuse, et le retour se peut être penaud, Platon ne le savait que trop<br />

bien ; et Heidegger aussi, lui « qui ne dut pas comprendre pourquoi des nains comme<br />

Rozenberg et Krieck l’ont emporté sur lui en influence, et surtout pourquoi l’aventure<br />

s’est retournée en crime dont il faut répondre » (Ibid., p. 80). Il y a donc chez Heidegger<br />

un certain platonisme, lequel peut expliquer partiellement son engagement politique ;<br />

mais le dénouement tragique de « l’affaire » nous invite déjà à considérer plus<br />

attentivement ce platonisme. En ce sens, poursuit Richir, Heidegger nous donne déjà à<br />

penser, pour ainsi dire a contrario, que les choses ne sont peut-être pas aussi simples<br />

qu’il le laissait entendre ; que le philosophe n’est peut-être pas logé à meilleure enseigne<br />

que les autres hommes, que « penser vraiment » et penser avec justesse n’amène peutêtre<br />

pas à la justice (Cf. ibid., p. 83) ; et que finalement, la philosophie n’est peut-être<br />

« qu »’un exercice de lucidité et de liberté parmi d’autres (Cf. ibid., p.88).<br />

Mais il reste que l’œuvre de Heidegger est en un sens géniale, et en tout cas,<br />

profondément novatrice et féconde. Et comme l’a dit quelques fois Richir, la lecture du<br />

corpus heideggerien reste un passage quasi obligé pour tout qui veut philosopher<br />

aujourd’hui, et en particulier sous l’horizon de la tradition phénoménologique. Il faut<br />

pour cela passer outre sa mégalomanie, c’est-à-dire, d’abord, passer outre un certain<br />

style ou un certain ton proprement insupportable. Comme le note Richir, « il y a<br />

quelque chose comme une rhétorique ou en tout cas un style, bien heideggeriens, qui<br />

sont proprement insupportables : s’il nous fait (presque) toujours [en note : « A part<br />

quelques exceptions ridicules : ses “dialogues” philosophiques, qui ne supportent pas un<br />

instant la comparaison avec la prodigieuse richesse des dialogues platoniciens »]<br />

merveilleusement penser, il nous laisse (presque) toujours sans ressources propres,<br />

comme fascinés ou hébétés par l’ad-miration, c’est-à-dire la capture en son<br />

<strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com 241

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