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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

5) La tragédie. Une question à traiter encore : celle de tragédie; car si la tragédie<br />

ne prend pas part au processus de mythologisation des récits mythiques et mythicomythologiques<br />

(à la « réduction mythologique » (ND, 82) des mythes, écrira aussi<br />

Richir), elle peut être comprise comme une mise en question de la mythologie ellemême<br />

qui désormais pose question : une lecture « théâtralisante » de la mythologie, et<br />

« dont l’effet est à la fois critique (analytique) et ironique (ironie tragique), le tout se<br />

jouant dans le jeu révélateur, et cathartique, de l’illusion produite » (ND, 1<strong>33</strong>).<br />

Expliquons-nous en quelques mots. La Tragédie met en scène les récits mythicomythologiques<br />

ainsi que des récits tirés de la mythologie. Sans s’arrêter aux nombreux<br />

problèmes anthropologiques liés à la tragédie, et parmi lesquels, en premier lieu, celui si<br />

cher à Nietzsche de son origine, Richir s’interroge sur le statut de la « mise-en-scène »,<br />

ce qu’il appelle aussi la « magie du théâtre » (Cf. ND, 131) : comment faut-il<br />

comprendre le sens d’une intrigue qui, par la mise-en-scène, n’est que simulacre ou ne<br />

se déroule que par la modalisation d’un comme si - comme si nous, les spectateurs,<br />

étions les témoins originels du drame - et en lequel consiste sans doute la fameuse<br />

mimèsis tant décriée par Platon ? On s’en aperçoit, il s’agit d’une problématique proche<br />

de la philosophie transcendantale telle que la décrivait Richir. Le comme si, explique<br />

Richir, est celui de la distance par rapport à la puissance symbolique des éléments mis<br />

en scène; en l’occurrence, cette distance est celle « réfléchie, et mise en abîme, entre les<br />

hommes et les dieux - ou, pour être plus exact, entre les héros, prenant dimension<br />

humaine, et les dieux » (ND, 137). Ou encore, la mise à distance corrélative du<br />

simulacre est celle séparant progressivement le divin auquel, peut-être, on ne croit plus -<br />

ou qui, tout au moins, en tant quel tel, ne fait plus sens - et l’humain qui lui, pose<br />

question. Les Grecs croyaient-ils à leur dieux ? La question est à la mode et Richir s’en<br />

explique en évoquant une belle page de Dodds (Cf. ND, 140 sqq.) : les spectateurs des<br />

tragédies étaient bien conscients de l’archaïsme du langage mythico-mythologique;<br />

mais si les noms des dieux et des puissances sublimes cessaient d’être surnaturel pour<br />

eux, ils n’en restaient pas moins mystérieux et terrifiants; et c’est précisément ce<br />

mystère et cette terreur qu’interroge la tragédie, et dans la stricte mesure où cette<br />

dimension ne peut plus y être attribuée au monde divin, c’est l’homme dans son énigme<br />

qui y est interrogé. La tragédie, pourrait-on dire, conduit à ce que l’on appellerait<br />

aujourd’hui psychologie, en tant que pour la première fois, elle interroge pour elles-<br />

344 <strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com

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