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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

tient, pour Heidegger, en ce que la possibilité la plus propre, la possibilité de<br />

l’impossibilité est absolue, c’est-à-dire délivrée de tout rapport – et plus<br />

particulièrement de tout rapport aux autres. C’est pourquoi, « devançant cette possibilité<br />

[scil. la possibilité de l’impossibilité ou la possibilité la plus propre], le Dasein qui est<br />

essentiellement rapport, ne peut donc plus être que rapport de soi à soi, rapport où il ne<br />

peut revenir qu’à soi, à l’ipséité dans son énigme, d’assumer, de prendre sur soi le<br />

fardeau de sa possibilité extrême » (SP, 364). Où se trouve l’illusion dans ce<br />

mouvement de pensée ? Voici la thèse de Richir : « Le “tour de passe-passe” est donc<br />

dans le fait qu’en réalité, si l’ipse se reprend, dans la solitude radicale de l’être pour la<br />

mort, comme l’ipse le plus propre, c’est qu’il y a, en réalité, deux ipse, ou l’ipse, pour<br />

ainsi dire, en compagnie de lui-même, et de lui-même transfiguré subrepticement<br />

comme possible le plus propre, comme soi secrètement divin, alors même que<br />

Heidegger fait entendre qu’il n’y a là ultimement qu’un seul ipse » (SP, 365). Il y a<br />

donc, dans ce mouvement de pensée heideggerien, un dédoublement entre une<br />

singularité radicale qui, Richir nous le laisse entendre, se rapproche fort de la singularité<br />

divine dans l’ontho-théologie classique, et une singularité factice, celle du Dasein dans<br />

son être-jeté (Geworfenheit) dont on sait la complicité avec l’inauthentique (le « On »)<br />

qu’y voit Heidegger (Cf. ibid.) 64 .<br />

On le comprend, on assiste en fait dans cette pensée à une très subtile réinstitution<br />

de l’onto-théologie classique, mais, comme l’écrit Richir, à une « onto-théologie<br />

barrée », puisque c’est le Dasein lui-même qui, dans son caractère divin, en est le<br />

fondement. C’est dire, donc, que l’on retrouve chez Heidegger les mêmes circularités<br />

que dans la pensée classique ; c’est pourquoi Richir ne cessera de répéter que le Dasein<br />

heideggerien tout comme le subjectivité transcendantale husserlienne participent de la<br />

même structure du simulacre ontologique – Richir semble même suggérer çà et là que la<br />

64 On peut déjà noter, comme le fait Richir (Cf. SP, 367-369), que cette pensée nihiliste est complice d’un<br />

radical apolitisme. Car s’il est vrai que pour Heidegger, l’ouverture à soi du Dasein est aussi ouverture<br />

aux autres, il ne s’agira jamais, dans ce rapport aux autres, que d’un rapport de compréhension de leurs<br />

possibilités d’existence, ou d’un rapport d’assistance, où il s’agira toujours de ramener autrui à l’essentiel,<br />

à savoir à sa propre solitude. Il n’y a donc rien, dans cette pensée, qui permette d’instituer la<br />

communauté, puisque aucun « faire-ensemble authentique» n’y est envisageable – à moins d’envisager un<br />

Dasein collectif, ce que tentera Heidegger autour de 19<strong>33</strong>. Comme l’écrit Richir : « Il n’y a pas, pour<br />

ainsi dire, chez Heidegger, d’être-ensemble qui soit à la mesure ou au niveau de l’être-pour-la-mort. S’il<br />

y a, chez lui, pouvoir vivre-ensemble, il n’y a pas de possibilité pour le pouvoir-mourir ensemble […] »<br />

(SP, 368-369)<br />

250 <strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com

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