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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

pensée du fondateur de la phénoménologie est au plus près de la vivacité de ces<br />

questions » (EP, 7) 124 . Ce texte montre très clairement que l’approche richirienne des<br />

pensées mythiques et mythologiques se situe dans le cadre d’une exploration d’autres<br />

institutions symboliques que celle de la philosophie. Mais pourquoi les mythes et la<br />

mythologie, c’est-à-dire, cela même que Richir subsume sous le terme de « pensées en<br />

concrétion ». Richir répond on ne peut plus clairement à cette question ; dans une note<br />

très instructive de L’expérience du penser, il précise en effet : «Nous ne recourrons,<br />

dans tout cet ouvrage, à la pensée mythique et mythologique que parce qu’elles<br />

témoignent d’autres institutions symboliques du penser (et de l’“être”, et du<br />

“pratiquer”) que l’institution de la philosophie. Il s’agit tout d’abord de nous<br />

“familiariser” avec un dépaysement symbolique radical [nous soulignons] » (EP, 53,<br />

note 1). Le choix des pensées en concrétion se comprend donc de par le<br />

124 Signalons que la première amorce que nous ayons relevée d’une réflexion sur la pensée<br />

mythique est un article publié en 1987 (Quelques réfexions épistémologiques préliminaires sur le<br />

concept de sociétés contre l’Etat). Cet article très instructif pour notre présent propos se situe dans la<br />

foulée de l’élaboration des notions fondamentales de l’oeuvre richirienne ; en effet, en 1987, Phénomène,<br />

temps et êtres vient d’être publié et Richir travaille à l’élaboration de Phénoménologie et institution<br />

symbolique. C’est donc très tôt, dès les premières recherches sur l’organisation symbolique du champ<br />

phénoménologique que, à côté de l’élucidation de l’institution de la philosophie elle-même, Richir a été<br />

attentif à l’existence d’autres institutions symboliques. Mais il faut remarquer qu’à l’époque, cet intérêt<br />

n’était pas sans s’accompagner de réserves et circonspections, trop conscient sans doute qu’il était de<br />

l’énormité des difficultés méthodologiques corrélatives d’une telle démarche. Ainsi, dans l’article de<br />

1987 qui part d’une considération de l’œuvre de Pierre Clastre, Richir ne manque pas de souligner<br />

combien toute pensée s’enquérant de scruter des horizons symboliques différents du nôtre – et la pensée<br />

de Clastre en particulier – est difficile et exigeante ; et la difficulté la plus patente tient sans doute en ce<br />

qu’il s’y agit toujours de ne pas ramener les autres régimes de pensée à des formes déficitiaires du nôtre.<br />

Le mérite de Pierre Clastre, écrit-il, reste incontestablement d’avoir pu gérer une telle démarche avec<br />

rigueur, affrontant “avec un constant bonheur, les difficultés, les paradoxes vivants, (...) ces sortes de<br />

scandales logiques de la chose même” (p. 62) : “[...] la pensée de Clastre n’est authentiquement<br />

philosophique que dans la mesure même où elle est authentiquement ethnologique : en elle s’effectue la<br />

rencontre d’une autre planète sociologique que la nôtre, et donc s’éprouve la nécessité de décentrer les<br />

repères de notre planète, non pas pour les recentrer sur les repères de cette autre planète, ce qui serait<br />

aussi absurde qu’impossible, mais pour aménager, et construire, comme le disait Merleau-Ponty à propos<br />

de Levi-Strauss, « un système de référence général où puissent trouver place le point de vue de l’indigène,<br />

le point de vue du civilisé, et les erreurs de l’un sur l’autre, (système à l’intérieur duquel se constitue)<br />

une expérience élargie qui devienne en principe accessible à des hommes d’un autre pays et d’un autre<br />

temps » (« De Mauss à Claude Levi-Strauss » in Eloge de la philosophie et autres essais, Paris,<br />

Gallimard, coll. “Idées”, 1965, p. 157) selon cela même que Clastre désignait comme une révolution<br />

copernicienne en anthropologie [...]” (pp. 61-62). La difficulté est donc bien méthodologique : comment<br />

aborder une autre institution symbolique en tant que telle, c’est-à-dire non pas sur un mode déficitaire?<br />

Le procès méthodologique proposé par Clastre est ce qu’il appelle le « renversement copernicien en<br />

anthropologie »; cela correspond en fait à ce que Richir entendait comme mode d’accès à l’au-delà du<br />

renversement copernicien dans ses premières publications; mais pour qu’une telle méthodologie puisse<br />

être réellement élaborée, il faudra attendre les Méditations phénoménologiques avec la mise au point de<br />

l’épochè phénoménologique hyperbolique, puis L’expérience du penser avec l’arrivée sur scène de la<br />

réduction architectonique.<br />

<strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com <strong>33</strong>3

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