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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

Befindlichkeit – d’une fondamentale passivité ou passion du penser 60 ; il suffira de<br />

rappeler que dans Sein und Zeit , la Stimmung ne relève plus de la « psychologie »,<br />

c’est-à-dire de l’analyse des « vécus » ou des « états d’âme », mais qu’elle est<br />

indissociable de la manière dont le Dasein « se trouve au monde » tout en le<br />

« trouvant » (Cf. MP, 42) ; il en va donc, dans la Stimmung d’un « rapport » au monde,<br />

d’une « pensée » 61 du monde, mais qui ne procède pas d’une connaissance théorique et<br />

qui n’en engendre pas non plus : la Stimmung est antérieure à toute connaissance et à<br />

toute volonté. En ce sens, la perspective classique se voit renversée : « loin qu’il faille<br />

neutraliser l’affectivité pour accéder au monde, c’est en revanche l’affectivité ellemême<br />

qui est la condition de l’ouverture au monde, de son “abordabilité” » (MP, 43) Il<br />

en va donc, dans la Befindlichkeit et la Stimmung, de la « découverte » de la facticité du<br />

Dasein ainsi que de celle du monde qui en est indissociable ; c’est-à-dire que le Dasein,<br />

sans pour autant être assimilé à un fait brut, se découvre originellement dans la<br />

Stimmung comme toujours déjà jeté (geworfen) au monde – il se trouve dans son êtrejeté<br />

(Geworfenheit : cela même que Lévinas traduisait naguère par « déréliction ») –,<br />

irrémédiablement « accordé » au monde, dans l’impossibilité d’accéder à son origine,<br />

mais dans une situation néanmoins qui fait sens. On comprendra l’aspect profondément<br />

novateur de cette pensée : dans la mesure où le rapport originaire au monde (et à soi)<br />

procède de la Befindlichkeit, et que donc toute connaissance théorique présuppose ce<br />

rapport, on peut dire qu’il y a dans la « pensée » une dimension fondamentalement<br />

passive sur laquelle il reste encore à s’interroger ; « Il y a, dans la facticité de l’être<br />

toujours déjà jeté de l’affectivité dans la tonalité affective, une dimension qui est, eu<br />

égard à l’activité de la conscience, […] la dimension d’une fondamentale passivité, qui<br />

ne peut être mise sur le compte de l’inconscient » (MP, 43) … du moins sur le compte<br />

de l’inconscient mis à jour par la psychanalyse ; mais n’y a-t-il pas une autre dimension<br />

de l’inconscient à côté de cet inconscient « symbolique » 62 , un « inconscient<br />

phénoménologique » ? C’est cette dimension que Richir scrutera en tout sens dans ses<br />

60 Richir retrouve ici ce que E. Straus et L. Binswanger entendaient par moment « thymique » ou<br />

« pathique » de l’existence humaine. C’est tout l’enjeu de la deuxième Méditation phénoménologique.<br />

61 Il faut entendre ici le terme « pensée » au sens où Descartes l’entendait dans ses Principes de la<br />

philosophie : « par le mot de pensée, j’entends tout se qui se fait en nous de telle sorte que nous<br />

l’apercevons immédiatement par nous-même, ce pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer,<br />

mais aussi sentir est ici la même chose que penser » (cité par Richir in MP, 79).<br />

62 Selon Richir, l’inconscient dont parle la psychanalyse est de l’ordre du symbolique qu’il faut<br />

rigoureusement distinguer du phénoménologique. Nous y reviendrons longuement dans notre deuxième<br />

partie.<br />

<strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com 247

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