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Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»<br />

m’appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes<br />

opinions » (nous soulignons) (MM, 26).<br />

C’est dans ce cadre que Descartes enchaînera dans la deuxième Méditation pour<br />

trouver le cogito comme « point d’Archimède » (Cf. MM, 36-37). Rappelons le passage<br />

où tout semble se jouer et qui a déjà été commenté pour ainsi dire à l’infini : « Ne me<br />

suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point ? Non certes, j’étais sans doute, si je<br />

me suis persuadé, ou seulement si j’ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais<br />

quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper<br />

toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe : et qu’il me trompe<br />

tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être<br />

quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné<br />

toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant cette proposition : Je suis,<br />

j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois<br />

en mon esprit » (MM, 37-38). Comme le note Richir, c’est dans ce texte que se joue<br />

« l’institution moderne du sujet » (DHM, 114). Il s’agit donc de comprendre ce à quoi<br />

nous ouvre le doute hyperbolique. Et Richir de répondre à cette question avec une<br />

rigueur remarquable, en s’en tenant à la stricte lettre du texte (Cf. DHM, 115-116) : sous<br />

l’indice du doute hyperbolique, dans le cogito, nous accédons à la certitude du fait que<br />

je suis et que j’existe, ces deux faits, irréductibles et indissociables, faisant sens ; en<br />

termes plus contemporains : nous accédons à la facticité, tout à la fois celle de ma<br />

pensée et celle de mon être, indissociablement ; c’est-à-dire que si je sais, et avec<br />

certitude, que je suis, je ne sais pas encore qui je suis. Certes, Descartes écrit bien que je<br />

suis une res cogitans, mais il ne faudrait pas trop vite s’arrêter au terme res, comme le<br />

faisait Heidegger (Cf. DHM, 115): il faut y insister, « à la pointe du cogito, le “je” n’est<br />

pas une substance » (DHM, 115) ! Car il faut lire Descartes de très près, à la limite, mot<br />

par mot : « Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? C’est une chose qui doute, qui conçoit,<br />

qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent » (souligné<br />

par Richir) (MM, 43). La pensée enchevêtrée à l’être dans sa facticité est donc<br />

envisagée ici dans son état sauvage, c’est-à-dire, déjà, dans l’indistinction de la vérité et<br />

de la tromperie, de la connaissance et de l’illusion : « Avec le cogito, dans cette<br />

première partie de la deuxième Méditation, Descartes rencontre, peut-être pour la<br />

première fois dans l’histoire de la philosophie, la pensée dans toute son inchoativité,<br />

302 <strong>Eikasia</strong>. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com

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