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276 DE L'HOMME.<br />

stupeur, une espèce d'agonie, qui me rendait semblable à un automate, et m'ôtait<br />

jusqu'à la faculté de penser. La nature, autrefois si riante à mes yeux, ne m'offrait<br />

plus que des objets tristes et lugubres. Cette tristesse, dans laquelle je vivais, étei­<br />

gnit en moi le désir de m'instruire, et je parvins stupidement à l'âge auquel il fut<br />

question de me décider pour la prêtrise : cet état n'exigeant pas de moi une pra­<br />

tique de la continence plus parfaite que celle que j'avais déjàobservée, je me rendis<br />

au pied des autels avec cette pesanteur qui accompagnait toutes mes actions.<br />

Après mon vœu, je me crus néanmons lié plus étroitement à celui de chasteté, et<br />

à l'observance de ce vœu, auquel je n'avais ci-devant été obligé que comme sim­<br />

ple chrétien. Il y avait une chose qui m'avait fait toujours beaucoup de peine:<br />

l'attention avec laquelle je veillais sur moi pendant le jour, empêchait les images<br />

obscènes de faire sur mon imagination une impression assez vive et assez longue<br />

pour émouvoir les organes de la génération, au point de procurer l'évacuation de<br />

l'humeur séminale : mais pendant le sommeil la nature obtenait son soulagement;<br />

ce qui me paraissait un désordre qui m'affligeait vivement, parce que je craignais<br />

qu'il n'y eût de mafaute, en sorte que je diminuai considérablement ma nourriture;<br />

je redoublai surtout mon attention et ma vigilance sur moi-même, au point que,<br />

pendant le sommeil, la moindre disposition qui tendait à ce désordre m'éveillait<br />

sur-le-champ, et je l'évitais en me levant en sursaut. Il y avait un mois que.je<br />

vivais dans ce redoublement d'attention, et j'étais dans la trente-deuxième année<br />

de mon âge, lorsque tout à coup cette continence forcée porta dans tous mes sens<br />

une sensibilité, ou plutôt une irritation que je n'avais jamais éprouvée. Etant allé<br />

dans une maison, je portai mes regards sur deux personnes du sexe, qui firent sur<br />

mes yeux, et de là dans mon imagination, une si forte impression, qu'elles me pa­<br />

rurent vivement enluminées, et resplendissantes d'un feu semblable à des étincelles<br />

électriques : une troisième femme, qui était auprès des deux autres, ne me fit au­<br />

cun effet, et j'en dirai ci-après la raison; je la voyais telle qu'elle était, c'est-à-dire<br />

sans apparence d'étincelles ni de feu. Je me retirai brusquement, croyant que cette<br />

apparence était un prestige du démon. Dans le reste de la journée, mes regards<br />

ayant rencontré quelques autres personnes du sexe, j'eus les mêmes illusions. Le<br />

lendemain, je vis dans la campagne des femmes qui me causèrent les mêmes im­<br />

pressions; et lorsque je fus arrivé à la ville, voulant me rafraîchir à l'auberge, le<br />

vin, le pain, et tous les autres objets me paraissaient troubles, et même dans une<br />

situation renversée. Le jour suivant, environ une demi-heure après le repas, je<br />

sentis tout à foup dans tous mes membres une contraction et une tension violen­<br />

tes, accompagnées d'un mouvement affreux et convulsif, semblable à celui dont<br />

sont suivies les attaques d'épilepsie les plus violentes. A cet état convulsif succéda<br />

le délire. La saignée ne m'apporta aucun changement; les bains froids ne me cal­<br />

mèrent que pour un instant ; dès que la chaleur fut revenue mon imagination fut<br />

assaillie par une foule d'images obscènes que lui suggérait le besoin de la nature.<br />

Cet état de délire convulsif dura plusieurs jours, mon imagination fut toujours<br />

occupée de ces mêmes objets, auxquels se mêlèrent des chimères de toute espèce,

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