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440 DE L'HOMME.<br />

prise entre la mer du Nord et la mer du Sud, depuis le golfe du Mexique jusqu'au<br />

Nord, quoique cette étendue de terre soit beaucoup plus grande que toute l'Europe.<br />

La multiplication des hommes tient encore plus à la société qu'à la nature, et les<br />

hommes ne sont si nombreux en comparaison des animaux sauvages que parce<br />

qu'ils sont réunis en société, qu'ils se sont aidés, défendus, secourus mutuellement.<br />

Dans cette partie de l'Amérique dont nous venons de parler, les bisons (1) sont<br />

peut-être plus abondants que les hommes : mais de la même façon que le nombre<br />

des hommes ne peut augmenter considérablement que par leur réunion en société,<br />

c'est le nombre des hommes déjà augmenté à un certain point qui produit presque<br />

nécessairement la société. Il est donc à présumer que, comme l'on n'a trouvé dans<br />

toute cette partie de l'Amérique aucune nation civilisée, le nombre des hommes y<br />

était encore trop petit, et leur établissement dans ces contrées trop nouveau, pour<br />

qu'ils aient pu sentir la nécessité ou même les avantages de se réunir en société; car<br />

quoique ces nations sauvages eussent des espèces de mœurs ou de coutumes parti­<br />

culières à chacune, et que les unes fussent plus ou moins farouches, plus ou moins<br />

cruelles, plus ou moins courageuses, elles étaient toutes également stupides, éga­<br />

lement ignorantes, également dénuées d'arts et d'industrie.<br />

Je ne crois donc pas devoir m'étendre beaucoup sur ce qui a rapport aux coutu­<br />

mes de ces nations sauvages : tous les auteurs qui en ont parlé n'ont pas fait atten­<br />

tion que ce qu'ils nous donnaient pour des usages constants et pour les mœurs d'une<br />

société d'hommes, n'était que des actions particulières à quelques individus sou­<br />

vent déterminés par les circonstances ou par le caprice. Certaines nations, nous<br />

disent-ils, mangent leurs ennemis; d'autres les brûlent, d'autres les mutilent. Les<br />

unes sont perpétuellement en guerre ; d'autres cherchent à vivre en paix. Chez les<br />

unes, on tue son père lorsqu'il a atteint un certain âge; chez les autres, les pères<br />

et mères mangent leurs enfants. Toutes ces histoires, sur lesquelles les voyageurs<br />

se sont étendus avec tant de complaisance, se réduisent à des récits de faits parti­<br />

culiers, et signifient seulement que tel sauvage a mangé son ennemi, tel autre l'a<br />

brûlé ou mutilé, tel autre a tué ou mangé son enfant, et tout cela peut se trouver<br />

dans une seule nation de sauvages comme dans plusieurs nations ; car toute nation<br />

où il n'y a ni règle, ni loi, ni maître, ni société habituelle, est moins une nation<br />

qu'un assemblage tumultueux d'hommes barbares et indépendants, qui n'obéissent<br />

qu'à leurs passions particulières, et qui, ne pouvant avoir un intérêt commun,<br />

sont incapables de se diriger vers un même but et de se soumettre à des usages<br />

constants, qui tous supposent une suite de desseins raisonnés et approuvés par le<br />

plus grand nombre.<br />

La même nation, dira-t-on, est composée d'hommes qui se reconnaissent, qui par­<br />

lent la même langue, qui se réunissent, lorsqu'il le faut, sous un chef; qui s'arment<br />

de même, qui hurlent de la même façon, qui se barbouillent de la même couleur.<br />

Oui, si ces usages étaient constants, s'ils ne se réunissaient pas souvent sans savoir<br />

(1) Espèce de bœufs sauvages différents de nos bœuf*,

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