RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

532 CHAPITRE IX.
nom, laissant Jesus Christ derrière. Qu'est-ce cela, autre chose ;
sinon leur transferer l'office d'intercession unique ; laquelle nous
avons icy dessus maintenue à Christ ? D'avantage qui est, ou
l'Ange, ou le Diable ; qui a jamais révélé une syllabe aux homs
mes de l'intercession desSainctz; ainsi qu'on l'a forgé? Car il n'y
en a rien en l'Escriture. Quelle raison donc y avoit-il de la controuver
? Certes quand l'Esprit humain cerche telles secondes
aydes : lesquelles ne luy sont point baillées par la parolle de
Dieu : il demonstre évidemment sa deffiance. Et si on appelle en
10 tesmoing la conscience de ceux, qui s'arrestent à l'intercession
des Sainctz : on trouvera que cela ne vient d'autre chose, sinon
qu'ilzsonten perplexité : comme si Christ leur deffailloit, ou bien
s'il estoit trop rigoreux. En laquelle doubte ilz font grand deshonneur
à Christ : et le despouillent du.tiltre dé seul Mediateur.
is Lequel comme il luy a esté donné du Père en singulière prerogative
: ne se doibt aillieurs transferer. Et en cela faisant, obscurcissent
la gloire de sa nativité, anneantissant sa croix, renversent
la louënge de tout ce qu'il a faict et souffert : veu que le tout
ne tend à autre fin, sinon à ce qu'il soit recongneu seul Media-
20 teur. Pareillement ilz rejettent la benevolence de Dieu, qui se
declaroit envers eux pour Père : car il ne leur sera point Père,
sinon qu'ilz reputent Jesus Christ leur estre frère. Ce qu'ilzrenoncent
pleinement, s'ilz ne l'estiment avoir envers eux fraternelle
affection : laquelle est aussi tendre et doulce, qu'il y en ayt au
as monde. Parquoy l'Escriture nous le présente singulièrement,
elle nous envoyé à luy, et veult que en luy nous nous arrestions.
Il est (dit Sainct Ambroise) nostre bouche, par.laquelle nous
parlons au Père : notre œil, par lequel nous voyons le Père :
nostre main dextre, par laquelle nous mous offrons au Père :
30 sans lequel Moyenneur, il n'y a nulle approche avec Dieu, ny à
nous, ny à tous les Sainctz. Or la follie s'est tellement esgarée
en cest endroit, que nous povons contempler au vif la nature
de superstition : laquelle, après avoir une fois jette la bride,
ne cesse d'extravaguer sans mesure. Car depuis qu'on a comas
mencé d'adresser sa pensée aux Sainctz, comme intercesseurs :
petit à petit on attribue à un chascun sa charge particulière.
Tellement que selon la diversité des affaires, maintenant l'un,
maintenant l'autre ont esté implorez pour Advocatz. Oultreplus
un chascun a choisi son Sainct particulier, se mettant en