RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

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CHAPITRE IX.
Et nous demandons ceste remission nous estre faicte, comme
nous remettons à noz debteurs, c'est à dire, comme nous pardonnons
à ceux qui nous ont faict aucun tort ou injure : et nous
ont offensez ou en faictz ou en dictz. Non pas que nous pardon-
5 nions et remettions la coulpe du péché : ce qui appartient à Dieu
seul. Mais cestuy est le pardon et la remission qu'il nous fault
faire, d'oster voluntairement de nostre cœur toute ire, hayne et
désir de vengeance : et de mettre en oubly, toute injure et offense
qui nous ayt esté faicte, sans garder aucune malveillance contre
10 personne. Parquoy nous ne devons demander à Dieu rémission
de noz péchez : si aussi de nostre part ne remettons en la manière
que diet a esté, à tous ceux qui nous ont offensez, ou qui
nous offensent. Et si nous retenons quelque hayne en nostre courage,
gardons aucune affection de vengeance, ou pensons com-
15 ment nous pourrons nuyre à noz ennemyz, malfaicteurs ou malveuillans
: et mesmes si ne nous efforceons, de tout povoir, de
revenir en grace avec eux, nous reconcilier à eux, avoir paix
amour et charité avec eux, leur faire tout service et plaisir : nous
requérons à Dieu en ceste prière, qu'il ne nous face point remis-
2o sion de noz péchez. Car nous requérons qu'il la nous face, comme
aussi nous la faisons aux autres. Et cela est demander qu'il ne
la nous face point, si nous ne la faisons. Ceux donc qui sonttelz,
que obtiennent-ilz par leur demande ; sinon plus grieve damnation?
Finalement, il nous fault noter que ceste condition, qu'il
25 nous remette, comme nous remettons à noz debteurs : n'est pas
mise et adjoustée pourtant que parla remission, que nous faisons
aux autres : nous méritions aussi que nostre Seigneur nous
remette : mais en ce mot, il a seulement voulu soulager l'imbécillité
de nostre Foy. Car il a adjousté ceja comme un signe, par
30 lequel nous fussions confirmez, que aussi certainement de luy
nous est faicte remission de péchez, comme nous scavons certain
nement qu'elle est de nous faicte aux autres : quand nostre cœur
est entièrement vuide et purgé de toute hayne, envie, malveillance
et vengeance. Et d'avantage il a voulu par ce, monstrer,
35 qu'il rejette du nombre de ses enfans : ceux qui enclins à se venger,
et difficiles à pardonner, sont obstinez en leurs inimitiez : et qui
gardans leur mauvais cœur et indignation contre leur prochain,
prient à Dieu qu'il veuille laisser et oublier la sienne envers eux : à
fin que ceux là ne soyent si hardis de l'invoquer pour leur Père.