RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

474 CHAPITRE VIII.
me il est escrit. J'ay hay Esaü, et ay aymé Jacob. Qu'est-ce que
prétendront pour obscurcir ces.parolles ; ceux qui assignent quelque
lieu aux oeuvres en nostre eslection ; soient précédentes ou
futures ? Gela est pleinement renverser ce que dit l'Apostre : que
s la difference, qui a esté entre les deux frères, ne despend pas d'aucune
raison de leurs œuvres : mais de la pure vocation de Dieu :
pource que Dieu a déterminé ce qu'il en devoit faire devant qu'ilz
fussent nayz. Ceste subtilité dont usent les Sophistes n'eust pas
esté cachée à S. Paul, si elle eust eu quelque fondement. Mais
io pource qu'il congnoissoit que Dieu ne peut rien prévoir de bien en
l'homme, sinon ce qu'il a délibéré de luy donner par la grace de
son eslection : il laisse là ceste perverse opinion, de préférer les
bonnes œuvres à leur cause et origine. Nous avons des parolles
de l'Apostre : que le salut des fidèles est fondé sur le bon plaisir
15 de Teslection de Dieu: et que ceste grace ne leur est point acquise
par aucunes œuvres : mais leur vient de sa bonté gratuite.
Nous avons aussi comme un miroir ou une peincture, pour nous
représenter cela. Esaü et Jacob sont frères, engendrez de mesmes
parens, d'une mesme ventrée, estans encores au ventre de
so leur mere devant leur nativité. Toutes choses sont pareilles en
l'un et en l'autre : toutesfois le Jugement de Dieu les 'discerne :
car il en choisist un, et rejette l'autre. Il n'y avoit que la seule
primogeniture, laquelle peut faire que l'un fust préféré à
l'autre. Mais encores icelle mesme est laissée derrière : et est
25 donné au dernier, ce qui est denyé à l'aysné. Mesmes en beaucoup
d'autres il semble advis que Dieu ayt, de propos délibéré,
contemné la primogeniture : à fin d'oster à la chair toute matière
de gloire. Rejettant Ismaël, il met son cœur à Isaac :
Abaissant Manassé, il préfère Ephraim. Si guelqu'un réplique,
30 qu'il ne fault point par ces choses inférieures et legeres, prononcer
de la vie éternelle • et que c'est une moquerie, d'inférer
que celuy qui a esté exalté en honneur de primogeniture
ayt esté adopté en l'héritage celeste (comme plusieurs y en a,
qui n'espargnent pas mesmes Sainct Paul, disans qu'il a
35 abusé des tesmoignages de l'Escriture, les appliquant à ceste
matière) je respondz que l'Apostre n'a point ainsi parlé inconsidérément
: et n'a point voulu destourner en autre sens les
tesmoignages de l'Escriture : mais il voyoit ce que telle manière
de gens ne peut considérer. C'est, que Dieu a voulu par