RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

810 CHAPITRE XVII.
elles? Si l'equitéde Dieu apparoist évidemment en toutes noz.afflic-r
tions : nous ne povons sans iniquité murmurer ne rebeller. Nous
n'oyons pas ainsi ceste froide chanson des Philosophes, qu'il se
faille submettre d'autant qu'il est nécessaire, mais une remons-
5 trance vive et pleine d'efficace, qu'il fault obtempérer, pource
qu'il n'est licite de résister. Il fault prendre patience, pource que
impatience est contumace contre la volunté de Dieu. Or pource
qu'il n'y a rien, qui nous soit droictement amy able, sinon ce que
nous congnoissons nous estre bon et salutaire, le Père de miseri-
10 corde nous console aussi bien en cest endroict, affermant que en
ce qu'il nous afflige par croix, il pourvoit à nostre salut. Or si les
tribulations nous sont salutaires, pourquoy ne les receverionsnous
d'un cœur paisible et non ingrat ? Parquoy en les endurant
patiemment nous ne succombons point à la nécessité: »mais acquiesîsceons
à nostre bien. Ces cogitations, dy-je, feront, que autant
que nostre cœur est enserré en la croix par l'aigreur naturelle
d'icelle, d'autant il sera dilaté de joye spirituelle. Delà aussi s'ensuyvra
action de grace : laquelle ne peut estre sans joye. Or si la
louënge du Seigneur et action de grace ne peut sortir que d'un
20 cœur joyeux et allaigre : et neantmoins ne doibt estre empeschée
par rien du monde : de là il appert, combien il est nécessaire,
quel'amertume qui est en la croix,soit tempérée de joye spirituelle.
Oultreplus de quelque genre de tribulation que nous soyons affligez,
il nous fault tousjours regarder ceste fin, de nous acous-
25 turner au contemnement de la vie présente, à fin, par cela d'estre
incitez à méditer la vie future. Car pource que le Seigneur
congnoist tresbien comme nous sommes enclins en un amour
aveugle, et mesme brutal, de ce monde, il use d'une raison
fort propre pour nous en retirer, et resveiller nostre paresse,
30 à fin que nostre cœur ne s'atache point trop en une telle
foie amour. Il n'y a personne de nous qui ne veuille estre veu
aspirer tout le cours de sa vie à l'immortalité celeste, et s'efforcer
d'y parvenir. Car nous avons honte de n'estre en rien plus
excellens que les bestes brutes : desquelles la condition ne seroit
35 de rien moindre à la nostre, s'il|ne nous restoit quelque espoir
d'éternité après la mort: Mais si on examine les conseilz,
deliberations, entreprinses, et œuvres d'un chascun : on n'y
voirra rien que terre. Or ceste stupidité vient de ce que nostre
entendement est comme esblouy de la vaine clairté