RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

562 CHAPITRE IX.
mulée. Principalement nous devons avoir une grande solicitude,
que toutes fois et quantes que nous sommes affligez de quelque
perplexité ou accident, ou que voyons que autres le sont : incontinent
nous courions de cœur à Dieu, en invoquant son ayde.
s Aussi que ne laissions passer nulle prospérité qui nous advienne,
ou que scachions estre advenue à autres, que par louënge
et action de graces ne nous déclarions recongnoistre. sa puissance
et sa bonté. ,
Finalement en toute oraison nous devons diligemment obser-
10 ver, que ne veuillons assubjectir ne lyer Dieu à aucunes certaines
circonstances : ne luy determiner, constituer, ou limiter
ne temps, ne lieu, ne faceon, ou manière de faire, et accomplir
ce que requérons. Gomme en ceste oraison nous sommes enseignez
de ne luy mettre aucune loy, ou imposer quelque condition,
mais de tout laisser et submettre à son bon plaisir. A fin
que ce qu'il fera, soit faict par telle manière, en tel temps, et en
tel lieu qu'il luy semblera bon. D'avantage au paravànt que luy
faire aucune prière pour nous et noz nécessitez, nous luy requérons
premièrement que sa volunté soit faicté. En quoy desja
20 nous hay assubjectissons la nostre : à fin que, comme par une
bride estant arrestee et retenue, elle ne presume de le vouloir
renger soubz soy : mais le constitue maistre et directeur de
toutes ses affections.
Si ayans ainsi noz cœurs formez en ceste obéissance, permet-
25 tons que soyons gouvernez par les loix de sa providence
divine : facilement nous apprendrons de persévérer en oraison :
et d'attendre en patience le Seigneur : en différant noz désirs
à l'heure de sa volunté. Estans de luy asseurez, que encores
qu'il ne nous apparoisse : toutesfois il nous est tousjours
3o present. Et qu'en son temps il déclarera qu'il n'aura nullement
eu les aureilles sourdes à noz prières, qui sembloient aux
hommes estre . de luy rejettées et mesprisées. Et ceste nous
sera une consolation bien preste : à fin que ne nous
désolions et désespérions, pourtant si quelque fois Dieu ne
3s nous satisfaict pas à noz premiers souhaitz. Comme ont
accoustumé de faire ceux : lesquelz transportez d'une ardeur
vehemente, tellement invoquent Dieu, que si dez le premier
coup il ne les visite, et présentement ne leur donne ayde,
incontinent ilz imaginent qu'il est courroucé et indigné con-